ALFAJR QUOTIDIEN – Journal d'information quotidien comorien

Le verdict est tombé dans la nuit : sept condamnations à la prison à vie pour ceux qui ont participé aux attentats perpétrés au musée du Bardo et dans un hôtel de Sousse. Soixante touristes y avaient été assassinés.

Retour sur une année noire et ses conséquences. Presque quatre ans après les faits, justice est faite. Après une longue procédure, entachée de frictions avec les avocats des victimes étrangères, les magistrats ont refermé la page sanglante des attentats de 2015. Après un an et demi d’audiences, Sofiene Sliti, le porte-parole du parquet, a indiqué au creux de la nuit que sept djihadistes avaient été condamnés à la perpétuité, que d’autres sentences variaient entre seize années et six mois de prison et que vingt-sept prévenus bénéficiaient d’un non-lieu. Les motifs justifiant les peines : « homicide volontaire », « participation à des homicides volontaires » et « agression visant à changer l’aspect civil de l’État ». Le parquet a fait appel de ces décisions. Au-delà du caractère pénal, ces deux verdicts permettent au pays de solder un passé très récent, très douloureux.

 

18 mars 2015 : 21 touristes exécutés au Bardo 

 

Après plusieurs années de terrorisme intérieur, principalement dans les gouvernorats du Centre (Kasserine), terrorisme qui tua plus d’une centaine de militaires et de policiers depuis 2011, la Tunisie démocratique se trouve abruptement confrontée à son premier choc terroriste d’envergure internationale. Deux jeunes hommes entrent tranquillement dans l’enceinte du musée, la sécurité est absente – par nonchalance – ce jour-là, et tirent, salle après salle, sur un groupe de croisiéristes arrivé le matin même. Vingt et un touristes étrangers et un policier tunisien sont assassinés. Quarante-cinq blessés réchapperont de la tuerie. Les deux terroristes sont abattus par l’unité d’élite de la garde nationale. Unité qui sauvera des dizaines de vies par son intervention durant l’attaque. Neuf pays comptent des victimes. Le président Essebsi explique au Point, quelques jours après le Bardo : « S’il y a une deuxième attaque, ce serait fatal pour l’économie du pays. » D’ordinaire économe de ses émotions, BCE confie avoir été secoué. Le tourisme, l’un des deux moteurs du pays pour la rentrée de devises, commence à chuter. Trois des accusés ont été condamnés aujourd’hui à la prison à vie, dix ont bénéficié d’un non-lieu.

 

26 juin 2015 : 38 touristes assassinés sous le soleil de Sousse

 

Le jeune homme marche en solitaire sur la plage bondée de Sousse. Il se dirige vers le Riu Mahraba Hôtel. Seifeddine Rezgui fait ses études supérieures à Kairouan. En cette fin de matinée de juin 2015, armé d’une kalachnikov, il exécute froidement trente-huit touristes étrangers. La plage des cinq étoiles est jonchée de draps blancs sous lesquels reposent les cadavres des vacanciers. Le terroriste sera tué à l’extérieur de l’hôtel par les forces de sécurité. Quatre accusés ont été condamnés à la prison à vie, cinq à des peines allant de six ans à six mois, les dix-sept autres prévenus étant acquittés.

 

Les familles des victimes françaises hostiles à la peine de mort

 

Gérard Chemla, avocat représentant les familles de vingt-deux victimes ainsi que de trois associations, avait troublé la partie tunisienne en indiquant que la peine de mort requise par le parquet ne serait pas « entendable » pour les victimes françaises. Il précisera également que « nous ne portons pas en nous la loi du Talion ». Si la Tunisie a signé tous les traités internationaux sur le sujet, la peine de mort y est encore signifiée dans des procès. Mais, depuis 1991, elle n’a jamais été appliquée, même aux pires heures du régime Ben Ali. En ne prononçant aucune sentence de mort, les magistrats semblent avoir écouté cette volonté.

 

Une situation sécuritaire en observation

 

Si 2015 fut une année de sang, 2016 le fut également. L’attaque menée contre la ville de Ben Guerdane, au sud, à la frontière libyenne, dura plusieurs jours en mars. Des dizaines de morts, un climat de western terroriste mené par l’État islamique : le coup fut rude, violent, coûteux pour la stabilité du pays et l’image d’instabilité qui en découlait. Depuis, les services de sécurité ont été remaniés, le maillage du pays également. D’autres procès sont à venir. Celui de Tunis, notamment. En novembre 2015, un kamikaze se faisait exploser dans un bus de la garde présidentielle, tuant treize sécuritaires. Les deux procès n’ont pas passionné l’opinion publique. Comme s’il fallait aller de l’avant, coûte que coûte.

 

Source : le Point

Le président de la République tunisienne, Béji Caïd Essebsi, vient de proclamer le 23 janvier Journée nationale de l’abolition de l’esclavage. Une décision qualifiée d’« historique » par les militants des droits de l’homme, qui le réclamaient depuis plusieurs années.

La Tunisie célébrera désormais, chaque 23 janvier, la journée nationale de l’abolition de l’esclavage. Cette décision présidentielle a été proclamée après une rencontre avec la présidente de l’Instance nationale de lutte contre la traite des personnes, Raoudha Laabidi, à l’occasion de la commémoration du 173e anniversaire de l’abolition de l’esclavage en Tunisie. Depuis cette annonce, la toile semble ravie. Les défenseurs des droits de l’homme et les militants des associations de lutte contre le racisme ont exprimé leur joie face à cette avancée. Beaucoup félicitent cette décision, dans laquelle ils voient une vraie consolidation des acquis, surtout après les récentes réformes comme la loi criminalisant le racisme en octobre dernier, ou encore la possibilité désormais pour une Tunisienne 

de se marier avec un non-musulman.

Il est grand temps de délivrer les mémoires de l’oubli et de nous réconcilier avec cette histoire lointaine d’une « africanité » en écueil

La présidente de l’association M’nemty, Saadia Mosbah, connue pour être la figure emblématique de la lutte contre le racisme en Tunisie, a adressé le 21 janvier 2019 une lettre au président de la République : « Nous en parlons avec beaucoup de fierté et d’orgueil dans nos discours, nos tribunes, nos journaux, nos radios, pour dire au monde entier que ce petit pays est précurseur, avant-gardiste, moderne. […] Il est grand temps de délivrer les mémoires de l’oubli et de nous réconcilier avec cette histoire lointaine d’une « Africanité » en écueil, sachant que la Tunisie a donné son nom au continent Ifriqiya. »

Rendre « effective » la lutte contre le racisme

Contactée par Jeune Afrique, Yamina Thabet, présidente de l’Association tunisienne de soutien des minorités (ATSM), n’a pas caché sa satisfaction après cette annonce qu’elle a qualifiée « d’historique », et qui représente pour elle « la deuxième grande nouvelle de ces derniers mois », après l’adoption en octobre de la loi sur le racisme.

 « Nous voulions proclamer une journée nationale pour l’abolition de l’esclavage, car nous estimons qu’il s’agit de notre histoire et d’une date charnière qu’il faut commémorer. Comme les collectifs M’nemty et Adam, notre association adresse depuis 2012 des lettres à la présidence. […] C’est très important que l’histoire de l’esclavage soit enseignée à l’école si on veut que la lutte contre le racisme soit effective », a t-elle ajouté.

 Sous l’impulsion d’Ahmed 1er Bey, la Tunisie a été le premier pays arabo-musulman à abolir l’esclavage en 1846 – avant la France et les États-Unis. Même si la traite s’est poursuivie jusqu’au début du XXe siècle, d’autres textes beylicaux avaient également été promulgués, dont un en 1841 interdisant la vente des esclaves dans les souks de l’agglomération de Tunis, et un autre, une année plus tard, prohibant leur vente et leur envoi à l’étranger.

Néanmoins, la Tunisie peine encore à classer les douloureux souvenirs de l’esclavage et de la traite humaine dans son passé,

 à cause du racisme toujours patent dans la société. Le 23 décembre dernier, le président de l’Association des Ivoiriens en Tunisie a été tué à l’arme blanche, dans un quartier de Tunis où les agressions racistes sont fréquentes. Les associations, qui fustigent le laxisme de l’État et dénoncent un vocabulaire raciste et à connotation esclavagiste, s’inquiètent également des chiffres divulgués dans le dernier rapport de l’Association de lutte contre la traite humaine. Entre 2017 et 2018, plus de 700 cas – exploitation économique et sexuelle, travail domestique des enfants, etc. – ont été enregistrés en Tunisie.

Source : Jeune Afrique