ALFAJR QUOTIDIEN – Journal d'information quotidien comorien

Mlango 28: À en perdre les dents !

Parce qu’il s’agit de dire que notre liberté n’aura jamais de prix. Que nos libertés ne peuvent pas être remises en cause. Jamais. Que s’il le faut, nous marcherons avec nos dents pour les réclamer…

 À en perdre les dents !

C’est la triste question que je me pose depuis maintenant une semaine. Depuis la mise sous silence d’Oubeidillah Mchangama. À quoi bon continuer, si le jeu est fait d’avance. Si nous ne sommes que des pions. Utiles pour les uns en temps de Pluie. Et pour les autres, quand le soleil brille de mille feux. À quoi bon écrire. Tenir une chronique toutes les semaines. Au mieux, le papier servira de contenant de « Njugu », ou d’emballage de viennoiserie et de « bajia ». Avant de finir dans une des déchetteries sauvages de Volo-volo. Les idées, les cris d’alarme, les espoirs, personne ne s’y intéresse. Le peuple, en premier lieu la jeunesse a abdiqué. Nous nous sommes embarqués avec eux, dans un voyage sans fin. Dans un navire avec une boussole cassée. Un équipage dépité, qui laisse le gouvernail aux meilleurs des bonimenteurs. Les plus habiles devenant des griots. Chantant à tue-tête, à enivrer les sirènes des eaux les plus profondes.


Croire à un idéal. C’est ce qui nous anime. Croire que c’est possible. Que c’est à nous de le faire. Que personne ne le fera à notre place. Mais à vrai dire personne ne veut le changement. Ou du moins peu sont ceux qui le souhaitent. Le bien commun n’intéresse personne. Les analyses et les propositions qui sont faites, ne changent rien. Et elles ne changeront rien. Il faut accepter l’évidence. La caste d’en haut, ne nous laissera jamais lui priver de son moment. « Son dimanche ». Ils ont du mal comprendre cet adage comorien qui dit « A chacun son dimanche ».
Notre idéal restera un leurre, tant qu’il ne sera porté par la masse. Je suppose que c’est ce qui animait aussi Oubeid et ses acolytes. Leur approche atypique, leur a donné une voix. Ils l’ont mise au service de l’information. Zéro calcul. Présent partout et à toute heure pour donner la parole à tous. Pas seulement aux politiciens. Au  peuple aussi, celui que d’aucun qualifie de «  bas ».Cette frange de la population, que l’on n’entend pas souvent. Très rarement. À part, quand on leur demande, au risque de leur vie, de monter dans des camions et scander à en perdre la voix, les noms des candidats aux diverses élections.

 

Triste et révoltant mais surtout dur à accepter. Dur de se dire que nos grands frères ne voient en nous, que des simples pièces d’un jeu d’échec, manipulable à souhait. Que notre voix et nos plumes ne peuvent service que leur plan de carrière. Que nos idées nouvelles, notre engagement, ne veulent rien dire, quand ils ne rejoignent pas les leurs. Qu’il leur suffira d’arriver en haut, pour nous réduire en animateur de toirab (comme si l’animateur de toirab ne pouvait avoir un esprit cartésien) et nous mettre en prison. Dur d’accepter que notre idéal n’intéresse personne. Qu’ils ont réussi à nous diviser. Au point de voir un responsable d’une association de « jeune », dire qu’il s’en fout de l’application stricte de la loi sur les marchés. A quoi bon continuer alors, l’espérance s’est fait la malle.

 

À y regarder de près, ils sont peu nombreux à souhaiter faire les choses autrement. Inverser la vision. Réduire la distance focale. Il faudrait un tsunami politique aux Comores pour espérer changer les mentalités. Parce qu’il s’agit avant tout de changer les mentalités. De comprendre que les gouvernants, ne sont que nos employés. C’est nous, les maîtres et pas eux. Nous le peuple. C’est à nous qu’ils doivent faire des salamalecs et non l’inverse. Il s’agit de comprendre que la culture du résultat n’est pas une option, mais une obligation. Qu’à défaut de résultats, nous devons demander un changement et non l’espérer. Parce qu’il s’agit de dire que nos libertés ne peuvent pas être remises en cause. Que notre liberté n’aura jamais de prix. Jamais. Nous marcherons avec nos dents s’il le faut, pour la réclamer. Même il est dur d’accepter que ma chronique n’y changera rien. Rien. Ni pour Oubeidillah Mchangama ni pour mes cousins et moi. Mais en attendant, soyons intègres, soyons citoyens, soyons Comoriens, et le meilleur suivra.

 

Khaled SIMBA

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