Les Comores traversent une crise économique due au covid-19. Au cours d’une interview accordée à Al-fajr depuis la France, Youssouf Saïd ancien vice-président de l’Assemblée et économiste donne son avis par rapport aux mesures économiques et financières prises par le gouvernement.
Pour faciliter la population en cette période de crise sanitaire, le gouvernement a adopté une mesure d’abattement de 30% de certains produits douaniers, quel constat faites-vous ?
Evidemment, le gouvernement a pris cette mesure. Personnellement, ces mesures retenues par le gouvernement sont insuffisantes. Certes, elles constituent une petite bouffée d’oxygène pour les entreprises qui importent mais leurs besoins restent immenses. Aussi, elles doivent bénéficier d’un efficacement de leurs dettes, d’un soutien financier accru pour leur permettre d’investir en vue de créer les conditions de la reprise de la croissance et de la relance.
Notre pays dépend de l’extérieur en termes de denrées alimentaires. Or, aucune stratégie de lutte contre l’insuffisance alimentaire en cette période n’est jusqu’à présent mise en œuvre. Qu’en dites-vous ?
En ce moment où tous les pays sont frappés par la crise, l’Etat, comme ce fut le cas dans un passé plus récent, a mis sur l’urgence des importations alimentaire en Tanzanie pour combler le déficit en matière de production agricole et permettre de satisfaire les besoins de la population. Moi, je n’y suis pas favorable. Entant que partisan de la politique menée par le feu Ali Soilihi, milite pour soutenir la production nationale en visant quatre objectifs : l’autosuffisance alimentaire, la transformation artisanale voir même industrielle de nos produits agricoles y compris ceux de la pêche, l’exportation de nos produits transformés et la création d’emploi. Ceci n’est possible que par une volonté politique qui manque dans notre pays.
Le ministère de l’économie a publié une grille des prix. Des sanctions sont aussi prévues en cas du non-respect de cette mesure. Pensez-vous que cela est une solution ?
Un petit rappel, de nombreux gouvernements ont eu par le passé à recourir à des sanctions contre les commerçants qui ne respectent pas les prix fixés par l’Etat. Par conséquent, ce type des mesures sont révélées inefficaces. La police a du mal à les faire respecter. A mon avis, je n’y suis plus favorable, estimant que nous devons faire jouer la loi de l’offre et de la demande.
Entant qu’économiste, quel plan proposez-vous sur l’économie dans cette période de crise sanitaire ?
D’abord pour répondre à cette question, voyons la nature de cette crise. En remontant à 2019, nous constatons que les Comores en raison des effets négatifs du Kenneth (dévastations de la production, destruction des infrastructures énergétiques et de télécommunications, dégâts considérables des routes, des écoles et des habitations) ont vu leur croissance économique passer de 3,8% à 1,5%. Et les chiffres officielles prévisionnelles tablaient sur une croissance de l’ordre de 4,3% en 2020. Année de la reprise et de la relance, selon les prévisions du fonds monétaire international, nous dit-on. Mais entre-temps, la crise liée à la pandémie du covid-19 fait son apparition. Elle va avoir un impact négatif considérable sur nos performances économiques en raison, notamment de la réduction très significative des envois de fonds des comoriens de la diaspora, de la diminution des importations, des exportations et des investissements directs étrangers. Face à cette pandémie, que nous propose-t-on ici aux Comores ? Des mesures financières et bancaires ont été prises : rééchelonnement des créances, gel des agios pour les empruntes impactés par cette épidémie, réduction de taux de réserve obligatoire à 5% durant 5 mois à compter du 1er avril et allocation d’une enveloppe exceptionnelle aux entreprises publiques dont l’activité a été interrompue par la fermeture des aéroports. Selon moi, que faire ? Je ne suis pas partisan d’une requête pour l’efficacement de notre dette extérieure afin de disposer des ressources en vue de financer les activités économiques du pays. En même temps, je verrais d’un bon œil la prise en charge par l’Etat en utilisant les ressources obtenues grâce à l’effacement de la dette extérieure, des dettes des entreprises, de celle des agents de l’Etat qui ont des découverts à la Snpsf, de celle des producteurs agricoles, comme celle des pêcheurs et artisans. La même démarche pourrait être menée en direction des ménages qui n’ont pas des ressources ou qui vivent dans le secteur informel pour augmenter et soutenir leurs activités. En fin, les producteurs, artisans et pêcheurs doivent rentrer dans le cadre d’une politique globale visant à conserver la production et à booster l’économie. Le pays doit maintenir le pouvoir d’achat des citoyens ainsi que l’appareil productif.
Votre dernier mot
Ce que je peux dire, j’estime que nous devons changer complètement de politique économique et financière. Cela dans le sens de création des conditions d’une enveloppe durable.
Propos recueillis par
Kamal SaïdAbdou