ALFAJR QUOTIDIEN – Journal d'information quotidien comorien

Ahmed Ali Amir : « Je pense toujours que les solutions pérennes naitront de l’apaisement et du dialogue »

Elevé au niveau de Conseiller spécial, AAA, Coordinateur de la Communication de la Présidence de l’Union des Comores a accepté à répondre à Al-fajr et à donner son opinion sur un certain nombre de sujets brulants. Une interview sans faux-fuyants.

Coordinateur de la communication, ce poste a été élevé au niveau de conseiller spécial. Quelle signification peut-on donner à cette nomination.

Réponse : Je pense que le poste de coordinateur est devenu un poste central. Cette nomination signifie que nous avons des missions hautement stratégiques. C’est une consécration et une reconnaissance. Désormais, celui ou celle qui prendra ma place saura qu’il sera traité comme un ministre.

Cette nomination est intervenu au moment ou l’équipe a remis au Président la Stratégie de Communication 2020-2021, avec ses annexes tout aussi importantes, Le Plan Post Conférence des Partenaires, le Plan Communication par la Culture, le Plan Communication par le Sport, la Note Conceptuelle des Assises sur la Presse, accompagnés des tableaux de bords des actions  spécifiques à entreprendre au niveau national, régional et international. Le plan de communication n’a pas jamais été budgétisé jusqu’ici. Une fois l’autonomie financière accordée, nous pourrions travailler avec beaucoup d’aisance et mettre en œuvre les  projets qui nous tiennent à cœur.

Qui est qui vous interpelle tous les jours et quels sont les moyens d’influence d’un communicant pour changer les choses ?

Trop de choses m’interpellent, à commencer par l’actualité. Je donne mon opinion quand on me le demande. Si non, j’introduis une note pour lecture. Par exemple, le sujet brulant concerne l’élection à la chambre de commerce.  Le président a entrepris une discussion longue et compliquée par l’intermédiaire des ministres des finances et de l’économie qui ont abouti à la signature à Mutsamudu, de la convention pour instaurer un dialogue permanent Public-Privé. Le dialogue public-privé  ne vise rien d’autre qu’à créer un climat de sérénité et de confiance. Ce dialogue peut rapprocher les points de vues sur les enjeux, les politiques et réformes. Il suscite l’adhésion et nous préserve des ruptures fâcheuses. Le fruit de cet acte historique est justement la signature récemment du Protocole d’Accord avec le Réseau des Meck, la BDC, l’Union Régionale des Sanduk d’Anjouan, l’Office Nationale de la Vanille (ONAV), la Banque Centrale des Comores (BCC), l’aide d’urgence, sous forme d’une subvention, à hauteur de 300.000.000 de francs, aux intervenants dans le secteur vanille, pour leur permettre de faire face à leurs obligations vis-à-vis du secteur bancaire.

La deuxième signature, a trait au soutien du Gouvernement au secteur des Transports en commun, annulant le paiement de la vignette automobile pour 2020, une subvention à hauteur de 450.000.000 de francs. Quand on veut, on peut.

Alors, on doit faire très attention de donner le pouvoir  à une petite élite privilégiée qui a accès facile aux structures politiques de mener partout la danse. A la chambre de commerce, le pays n’a pas besoin d’une énième farce comme celle des élections du maire de Moroni. Partout existent des règles. Il faut juste les respecter. Les faire respecter.

Après la conférence de Paris, rien ne bouge de ce côté là, alors que vous avez vanté le succès de la communication. Qu’est ce qui se passe ?

Vous avez entièrement raison de le dire. Avez-vous une fois approché le secrétariat chargé suivi de la conférence ? Je pense que non. Or une fois la conférence finie, le Président a mis en place un secrétariat chargé du suivi de la conférence, composé de cadres de renommée. Un formidable travail a été mené jusqu’ici et pour votre gouverne, des rencontres ont été menées et des contacts continuent d’être pris avec les entreprises privés qui se sont positionnées. Si le secrétariat est autorisé à communiquer, il ne manquera de vous faire part de tout ce qui a été réalisé jusqu’ici. Aussi, je vous rappelle que de nombreux projets qui touchent à l’emploi des jeunes sont sur les rails, des projets d’infrastructures routières ont démarrées et des projets d’hôtellerie sont en cours de finalisation. Une fois les  frontières ouvertes, des nombreux projets, d’énergie, du domaine de la pêche et l’agriculture pourront être mis en marche.

Vous reconnaitrez qu’au niveau politique, le blocage est complet. Aucun dialogue n’est possible. Comment comptez-vous vous en sortir.

Le dialogue politique dans mon pays s’est toujours confiné aux aspects institutionnels et constitutionnels, jamais préoccupé aux sujets du développement, de la croissance économique et de la lutte contre la pauvreté. Face au projet Plan Comores Emergents, je n’ai pas encore vu un autre projet de société. Je veux bien qu’on critique ses orientations, le PCE a au moins le mérite d’être financé à  100%. De nombreux jeunes cadres de la diaspora qui ont suivi la conférence se sont présentés à Paris au siège de l’Afd pour plaider leur projet et arracher un financement sur les fonds mis à dispositions à la conférence par la France. Certains cadres employés dans des entreprises en France jouent les intermédiaires pour caller des rendez vous avec Moroni.  

Concernant le débat sur la tournante, pour ceux qui pensent que l’Accord Cadre de Fomboni en avait fait la pierre angulaire du document se trompent lourdement. L’Accord convenait que la constitution déterminera les prérogatives du Nouvel Ensemble Comorien et des Entités Insulaires. L’Accord avait pris le soin de relever les prérogatives relatives à la souveraineté de l’Etat, pour éviter tout glissement dangereux dans l’élaboration de la nouvelle loi fondamentale. C’est la constitution adoptée qui a introduit la formule de magique de la tournante dans les iles. La constitution protégeait seulement l’autonomie des iles, comme étant le domaine qui ne peut faire l’objet ultérieurement de révision. Or c’est ce qui a été fait dans la révision de 2009. L’autonomie a été dépecée. Je comprends aujourd’hui  l’empressement à vouloir accélérer l’alternance politique. Nous avons vu des Présidents de ce pays qui ont suspendu la constitution par simple décision administrative. Il est par contre absurde de demander à un Président élu sur la base d’une constitution de convoquer des élections en 2021 qui ne sont prévus nulle part. De grâce.

Vous venez d’un voyage à Dodoma, pour l’investiture du Président Tanzanien. Y-a-t-il rapprochement entre les deux pays ?

D’abord, il faut arrêter de croire que les Comores sont le centre du monde, ou sont protégées dans un cocon. Nous vivons dans un environnement hostile, compliqué et difficile. Dans cette zone entre la Tanzanie, les Comores, le Mozambique, agissent des groupes terroristes violents. Le mouvement Ansar Al-Sunna, qui donna naissance aux chababs, revendique le droit de pouvoir vivre sous un régime de charia. Ce groupe qui s’installe dans une idéologie insurrectionnelle, multiplie les violences. Ses combattants s’attaquent maintenant aux forces de sécurité, après les massacres des civils. L’impératif nécessité de renforcer la coopération entre les pays de la région, de la Somalie à l‘Afrique du sud est une urgence régionale.

Les Comores sont considérées comme étant la zone supposée contenir d’importantes réserves de gaz. Cette information n’est pas sans conséquences. Si un tel pays assiste à un blocage politique et n’a pas de cadre de dialogue ou de forums formels ou informels pour un consensus sur les enjeux d’avenir, sur la manière d’exploiter ces gisements, aborder les problèmes environnementaux, choisir les partenaires fiables, constituer les fonds souterrains pour l’avenir de sa jeunesse, alors on aura de problèmes. De gros problèmes.
 

Quelles solutions préconisez-vous ?

Je dresse seulement des constats. Je pense toujours que les solutions pérennes naitront de l’apaisement et du dialogue. Et des deux cotés, des efforts doivent être consentis, des concessions doivent être faites. Apres 14 mois au cœur de l’administration comorienne, je crois qu’il est grand temps de remettre les compteurs à zéro et de secouer ce vieux mastodonte qui freine tout développement et qui ne profite qu’à un petit groupe. Sinon, il faut qu’à l’avenir, pour tout poste à pourvoir, organiser un concours national, mettre tous les enfants de ce pays à égalité de chance, à concurrence. Il faut également mettre en place les conseils d’administration et recruter les Directeurs Généraux, parmi les meilleurs d’entre nous, en se conformant aux textes en vigueur. On ne peut pas être membre de l’Ohada, adhérer à une telle organisation intergouvernementale d’intégration juridique, accepter l’harmonisation du droit des affaires en Afrique et agir selon les humeurs du matin d’un tel ou un tel.

Il y a des signes qui ne trompent pas en matière d’égalité de chance et de libre concurrence. La première, c’est l’obligation faite aux sociétés d’Etat et aux administrations de se soumettre aux règles en matière de passation de marchés publics. Dans de nombreux pays, les entreprises étrangères ne sont autorisées à partager les marchés que si elles s’y obligent en retour à arrimer les entreprises nationales. C’est aussi tout l’intérêt de l’investissement étranger.

Un dernier mot ?

Merci de l’intérêt.

Propos recueillis par S.A.C

 

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