ALFAJR QUOTIDIEN – Journal d'information quotidien comorien

Chine: Les tentacules de pekin derrière les disparitions des «rhinoceros gris»

Depuis 2015 et le recul de la croissance, le parti met la pression sur les grands patrons du secteur semi-prive, pour obtenir des informations.

Plus haut on est place dans les cercles de pouvoir chinois, plus dure peut être la chute. Et pas seulement au sens figure. Quelques semaines après le saut dans le vide de wang jian en Provence (lire pages précédentes), le représentant du gouvernement chinois a macao s’écrasait au pied de son immeuble a la veille d’inaugurer le pont géant entre l’ile et le continent. Puis l’ex-rédactrice en chef du quotidien du peuple se défenestrait depuis le 19e étage du siège du journal officiel du parti. Ils auraient souffert de «dépression» et d’«insomnie». «Il n’y a peut-être pas d’explication cachée, commente stephen vines, du site hong kong free press. Mais dans une société ou l’état de droit est remplace par le pouvoir du parti unique, ou les gens disparaissent, meurent ou sont kidnappes avec une régularité alarmante, la suspicion est la règle.»

 

«Tontine»

Depuis le ralentissement de la croissance économique, les étoiles du capitalisme «a caractéristiques chinoises» ne sont plus épargnées par la reprise en main brutale menée par le pouvoir. Dans les années 80, alors que la chine s’ouvrait a l’économie de marche, s’étaient crées un secteur semi-prive, proche des réseaux du parti, et un véritable secteur prive. «Pour de nouveaux entrepreneurs sans relations politiques, obtenir un crédit auprès d’une banque était presque impossible, raconte jean-joseph boillot, expert au cercle cyclope. ils ont alors eu recours a la tontine, un réseau parallèle financier informel [«shadow banking», ndlr] qui leur permet d’investir et d’acheter la « protection » des fonctionnaires necessaire a l’obtention des autorisations administratives.» jamais a court d’ambiguïtés, le régime communiste encourage ces chefs d’entreprise, locomotives de la croissance qui assure au parti unique la stabilité sociale. Il les protège de la concurrence par des barrières douanières insurmontables, ou interdit purement et simplement a des entreprises occidentales, comme google ou facebook, d’accéder a son immense marche de 1,4 milliard d’habitants.

en 2008, lors de la crise des surprîmes, l’état donne l’ordre aux banques d’accorder des crédits a tour de bras pour atténuer le choc et relancer la demande intérieure. La stratégie porte ses fruits. Mais en 2015, la croissance tombe en dessous des 7 %, et la dette devient intenable. le régime lance alors des opérations de des endettement, qui marchent plutôt bien avec les entreprises d’état. Mais le contrôle financier est moins efficace sur les entreprises semi-publiques de province, notamment celles installées a shanghai, la grande rivale de pekin. Et surtout, il se heurte a la puissance des «rhinoceros gris», ces grands patrons du prive dont la puissance défie désormais le pouvoir politique. «On leur demande alors de donner toutes les infos, prises de participations, comptes a l’estranger, etc., explique jean-joseph boillot. Ce qui revient a une sanction politique, car ces hommes d’affaires ne survivent que grâce a leurs réseaux.» pour les faire céder, tous les moyens semblent bons. en 2015, guo guangchang, surnomme le «warren buffet chinois», patron de fosun, immense groupe qui possède entre autres le club med et la margarine st hubert, disparait durant quelques jours. Il aurait «apporte son aide a des enquêtes judiciaires».

La même année, on perd durant six mois la trace de mike poon, qui vient d’acquérir la moitie de l’aéroport de Toulouse-Blagnac via sa société casil Europe. Il reviendra plus tard aux manettes, expliquant dans une interview a la tribune «avoir pris du temps pour voir sa famille». Avec la guerre commerciale lancée par donald trump, la pression monte encore d’un cran. «La chine est désormais le pays le plus endette du monde si on prend en compte le total des dettes bancaires, du « shadow banking » et de l’immobilier, calcule jean-joseph boillot. Cette dette devient extrêmement dangereuse et il est indispensable de la contenir. Mais on touche la au problème de gouvernance chinoise, la non-séparation entre la sphère économique et la sphère politique, et une tendance a ne pas agir de manière rationnelle, mais de façon politique en fonction des connivences entre entreprises et parti.»

 

«Bain de sang»

Les condamnations a la prison ferme pour «corruption» se succèdent, faciles a étayer puisque tous ces patrons, ou presque, ont eu recours à des réseaux financiers illégaux. Certains se procurent des passeports américains ou font leurs bagages pour l’Australie. Dans le cadre de la lutte anticorruption, le régime lance les opérations fox hunt et skynet et convainc des milliers de fugitifs suspects de crimes économiques de rentrer au bercail, usant d’intimidation ou de menaces sur la famille restée au pays. De toutes cotes, des têtes tombent. En mars dernier, ye jianming, patron de cefc china energy, conglomerat spécialise dans l’énergie et la finance, se volatilise alors qu’il est en train de signer un énorme contrat avec le géant pétrolier russe rosneft. Il n’a toujours pas réapparu.

En septembre, jack ma, a la tête de l’empire mondial alibaba, démissionne. Il n’a que 54 ans et est au firmament d’internet. «jack ma était passe sous contrôle permanent du parti, qui avait accès a ses ordinateurs. Il a préféré abandonner le bras de fer avec le régime et éviter un bain de sang. Car tout est possible dans les réseaux d’affaires, la violence, les règlements de comptes, la pression au suicide ou la planification d’assassinat», assure jean-joseph boillot. hna, une entité totalement privée, est un symbole majeur de ce système. Sautant d’un continent a l’autre dans son boeing, sa famille installée aux Etats-Unis, wang jian s’était affranchi de la mainmise du parti. Avec 80 milliards d’euros d’endettement, soit 250 % de son chiffre d’affaires, et une opacité totale sur sa capacité à rembourser, le milliardaire était dans la ligne de mire du régime. Son corps a peine refroidi, le dépeçage de son empire s’est accélère.

Source : Libération

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