ALFAJR QUOTIDIEN – Journal d'information quotidien comorien

Elections israéliennes: Les rivaux centristes s’allient pour faire tomber Nétanyahou

Le général Benny Gantz et l’ex-ministre Yaïr Lapid ont annoncé la fusion de leurs partis jeudi. Une alliance en mesure d’inquiéter Benyamin Nétanyahou, qui a scellé un accord avec l’extrême droite la plus radicale pour préserver ses chances d’obtenir un cinquième mandat.

La nuit porte conseil, veut l’adage. C’est donc à l’aube que Benny Gantz et Yaïr Lapid, les deux rivaux centristes du Premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou, ont annoncé la fusion de leurs partis dans un communiqué lapidaire, citant «un profond sens de la responsabilité nationale». Le temps pressait, à quelques heures du dépôt des listes pour les législatives anticipées du 9 avril.

Le tandem est en fait un quatuor, où certains sont plus égaux que d’autres. Aux côtés de Gantz, l’ex-chef d’Etat-major, et de Lapid, animateur de talk-shows politiques et furtif ex-ministre des Finances de Nétanyahou, s’affichent deux autres anciens chefs de Tsahal. Le faucon Moshe Ya’alon et le tout aussi raide Gabi Ashkenazi, en poste sous le travailliste Ehud Barak. C’est lui qui serait l’artisan de ce rapprochement. Ce front anti-Nétanyahou s’appellera Kachol Lavan, «Bleu et Blanc», les couleurs du drapeau.

Bérets et testostérone

Formule patriotique classique : des bérets et de la testostérone, à l’image du très viril cliché posté sur les réseaux sociaux par la triplette de militaires et l’ex-journaliste baraqué. Ils posent, les traits tirés sans cravate et en jeans, devant des fauteuils en cuir, où, l’on imagine, les palabres se sont déroulés et les ego ont été remisés.

C’est Yaïr Lapid qui a dû lâcher du lest. Depuis la création de son parti Yesh Atid en 2012, ce dernier s’est attelé à construire une alternative centriste crédible, devenant même la deuxième force politique du pays en 2013. Mais son image s’est dégradée après plusieurs retournements de veste. Lapid n’en a pas moins construit une machine électorale huilée, avec un maillage territorial substantiel et des militants acquis à sa défense de la laïcité, notamment son combat pour forcer les ultraorthodoxes à servir dans l’armée.

Gantz apporte de son côté son aura de militaire et sa raideur old school,qui lui ont permis de grimper dans les sondages en s’exprimant le moins possible. Le général ayant phagocyté l’électorat de Lapid, ce dernier n’avait d’autre choix que de lui laisser les clés.

«Cockpit»

Comme l’a résumé le très rencardé éditorialiste Ben Caspit dans Ma’ariv, qui décrivait déjà les termes de cette alliance au début du mois, il fallait trouver un deal qui fasse «descendre Lapid de l’arbre qu’il a planté et arrosé ces sept dernières années». La solution s’appelle «rotation». En cas de victoire, Gantz serait Premier ministre d’abord, pour deux ans et demi, avant de céder le fauteuil à Lapid. Et toutes les décisions seraient prises dans le «cockpit» constitué des quatre hommes, mais où Gantz aurait la primauté en cas de désaccord.

Les galons des généraux et le sourire de l’ex-présentateur télé : un cocktail électoral redouté par Nétanyahou. Sentant la menace poindre, celui-ci avait annulé sa visite à Moscou mercredi (une audience auprès de Vladimir Poutine qu’il réclamait pourtant depuis des mois) afin de peaufiner sa contre-attaque.

Elle consiste en une généreuse main tendue à la frange la plus extrémiste du nationalisme religieux. Inquiet de voir ses alliés du Foyer Juif (un parti pro-colons dont les charismatiques leaders Naftali Bennett et Ayelet Shaked ont fait défection pour se distancer des éléments les plus toxiques) incapables de passer le seuil de représentation à la Knesset, le Premier ministre a poussé pour que ces derniers englobent Otzma Yehudit (Puissance Juive), surnommé le «Ku Klux Klan juif». Soit les derniers «kahanistes», disciples faussement repentis du rabbin Meir Kahane, dont le parti a été interdit en Israël en 1988 pour «incitation à la haine». Pour forcer cette alliance, «Bibi» est allé jusqu’à promettre le ministère de l’Education au leader du Foyer Juif, Bezalel Smotrich, qui se définit comme un «fier homophobe».

Les blocs ainsi constitués, tout le monde y voit plus clair. L’ex-premier ministre Ehud Barak parle d’un choix entre «un gouvernement corrompu qui s’est enchaîné aux racistes et aux kahanistes, et un gouvernement qui restaurera un Israël fort et fidèle à la Déclaration d’Indépendance». Nétanyahou, lui, agite la menace d’une «coalition de gauche avec le soutien des partis arabes».

Pour Amir Oren, chroniqueur sur le site Walla, le plus lu du pays, c’est le«D-Day de la politique israélienne». Yohanan Plesner, président de l’Institut de la démocratie israélienne, reste mesuré : «La campagne devient enfin compétitive». Mais Nétanyahou garde la main, insiste le politologue : «Ce qui compte en Israël, ce sont les blocs. Et pour le moment, dans les sondages, la droite et les partis religieux recueillent toujours autour de 63-64 sièges, contre 57-58 pour le centre allié à la gauche.» Tout dépendra de l’impact qu’aurait une procédure d’inculpation de Nétanyahou, visé dans trois affaires de corruption, laquelle pourrait être enclenchée dès la semaine prochaine.

Pour Gantz, Lapid et consorts, reste à définir un programme. Ou ne serait-ce qu’une idéologie claire, au-delà de la détestation commune de Nétanyahou. En début de semaine, Gantz a ramené son mano à manoavec «Bibi» à un concours d’états de services, accusant le Premier ministre, «Monsieur Sécurité» autoproclamé, d’avoir couru les cocktails pendant que lui «rampait avec des soldats en hiver dans des trous boueux». Après les grandes manœuvres, les gants sont désormais enlevés. «C’est de la boxe thaï, il n’y a plus de règles», a résumé l’analyste politique Hanan Kristal à la radio.

 

Source : Libération 

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