Lieutenant au sein des garde-côtes, l’homme de 49 ans, proche de la mouvance néonazie, planifiait des meurtres «à une échelle rarement vue dans ce pays», selon les procureurs.
L’arsenal saisi chez lui par le FBI est à la mesure du massacre que le suspect, Christopher Paul Hasson, semblait vouloir perpétrer. Quinze armes (dont trois fusils d’assaut et six revolvers), plus d’un millier de cartouches et plusieurs gilets pare-balles ont notamment été retrouvés à son domicile, un appartement en sous-sol situé à Silver Spring (Maryland), à une dizaine de kilomètres au nord de Washington.
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«L’accusé a l’intention de tuer des civils innocents à une échelle rarement vue dans ce pays», soulignent les procureurs dans une requête demandant le maintien en détention, jusqu’à son procès, de Christopher Hasson, qualifié de «terroriste intérieur». Arrêté le 15 février, le suspect doit comparaître ce jeudi devant un tribunal fédéral de Greenbelt (Maryland).
Inspiré de Breivik
Dans leur requête de 15 pages, les procureurs dressent le portrait d’un homme tourmenté, ancien Marine se décrivant lui-même comme un «skinhead» et un «nationaliste blanc» de longue date, partisan d’une «violence ciblée pour établir une patrie blanche». Il était fortement inspiré par le manifeste délirant du Norvégien Anders Behring Breivik, l’auteur de la tuerie d’Utoya et de l’attentat d’Oslo (77 morts en juillet 2011, dont une majorité d’adolescents participant à un camp d’été du Parti travailliste).
En examinant l’ordinateur de l’accusé, les enquêteurs ont retrouvé la trace d’un email du 2 juin 2017, adressé à ses «chers amis» mais jamais envoyé. Dans ce courriel, reproduit intégralement dans le document des procureurs, Hasson écrit notamment ceci : «L’idéologie libérale/mondialiste est en train de détruire les peuples traditionnels, en particulier les Blancs. Pas moyen de s’opposer sans violence.» Dans ce message, le lieutenant des garde-côtes évoque également la «racaille musulmane» et «la dégénérescence de l’Occident libéral».
D’après les autorités, en s’inspirant des «instructions de Breivik», qui recommandait dans son manifeste de s’en prendre en priorité aux leaders politiques, médiatiques, culturels ou industriels, Christopher Paul Hasson a compilé le 19 janvier une liste de «traîtres et de cibles pour une attaque», sous forme d’un tableur Excel, retrouvé par les enquêteurs.
Quatre candidats aux primaires démocrates ciblés
Parmi les 22 noms y figurant, on trouve de nombreux élus démocrates, dont les leaders du parti à la Chambre (Nancy Pelosi) et au Sénat (Chuck Schumer), deux députées emblématiques récemment élues (Alexandria Ocasio-Cortez et Ilhan Omar) et pas moins de quatre candidats aux primaires démocrates de 2020, tous sénateurs (Kirsten Gillibrand, Elizabeth Warren, Cory Booker, Kamala Harris). DSA, la principale organisation socialiste du pays, est aussi mentionnée. Tout comme de nombreux journalistes et commentateurs connus, dont plusieurs figures de la chaîne CNN (Chris Cuomo, Don Lemon, Van Jones), l’une des bêtes noires de Donald Trump, qui ne cesse de qualifier les médias «d’ennemis du peuple».
Si cette liste de personnalités s’inspire des méthodes de Breivik, l’atmosphère politique détestable qui règne aux Etats-Unis depuis l’élection de Donald Trump semble avoir également contribué à la radicalisation du suspect. Parmi les recherches qu’il a effectuées sur Google, plusieurs semblent indiquer son inquiétude d’une possible destitution du Président : «What if Trump is illegally impeached» («que faire si Trump est destitué illégalement») et «civil war if Trump impeached» («guerre civile si Trump destitué»). Il avait également fait des recherches sur Google concernant la protection policière des sénateurs ou «le meilleur endroit à Washington» pour croiser des élus du Congrès.
Record de groupes haineux aux Etats-Unis
Outre son arsenal, les enquêteurs ont retrouvé chez Christopher Paul Hasson d’importantes quantités de Tramadol, un antalgique à base d’opiacés. S’inspirant là aussi du manifeste de Breivik, écrivent les procureurs, le suspect avait commencé à «prendre des narcotiques pour augmenter sa capacité à conduire des attaques». Au cours de la perquisition, les agents ont découvert des documents indiquant que le lieutenant Hasson avait commandé «au moins 4 200 pilules de Tramadol» depuis 2016. A son bureau, situé au siège des garde-côtes américains à Washington, les enquêteurs ont en outre découvert une centaine de pilules et une trentaine de flacons d’hormone de croissance.
Hasard du calendrier, l’organisation Southern Poverty Law Center, qui traque les extrémistes aux Etats-Unis depuis les années 80, a publié mercredi son rapport annuel. En 2018, le SPLC a dénombré 1 020 groupes haineux actifs dans le pays, un record. Depuis quatre ans, l’organisation a recensé une hausse de 30%, qu’elle attribue en grande partie à l’émergence politique puis l’élection de Donald Trump.
«Les chiffres racontent une histoire saisissante : que ce président n’est pas simplement une figure polarisante mais une figure qui radicalise, a commenté Heidi Beirich, la directrice du projet de la SPLC. Au lieu d’essayer d’atténuer la haine, comme les présidents des deux partis l’ont fait, le président Trump l’attise, avec sa rhétorique et ses politiques. Ce faisant, il a donné à certains à travers l’Amérique le feu vert pour agir sur la base de leurs pires instincts.» Le lieutenant Hasson, arrêté avant de passer à l’acte, était visiblement l’un de ceux-là.
Source : Libération