Mouigni Baraka Saïd Soilihi, candidat indépendant à la présidentielle du 24 mars prochain face au président Azali Assoumani, plaide pour un retour à une réforme constitutionnelle, dont il juge la dernière comme étant « dangereuse pour l’unité des Comores ».
Et si Mouigni Baraka Saïd Soilihi représentait une réelle option face au président Azali Assoumani à la présidentielle du 24 mars prochain ? L’ancien gouverneur de l’île de la Grande Comore, de 2011 à 2016, veut le croire. Au premier tour de la présidentielle de 2016, il était arrivé devant l’actuel chef de l’État.
À bientôt 52 ans, celui qui fut longtemps responsable des douanes comoriennes repart en campagne pour dénoncer « un régime arbitraire et corrompu » et surtout pour revenir sur une réforme constitutionnelle qu’il juge « dangereuse pour l’unité des Comores ».
« Il ne faut pas laisser le champ libre à azali assoumani »
Jeune Afrique : Qu’est-ce qui vous pousse à vous présenter à la présidentielle du 24 mars ?
Mouigni Baraka Saïd Soilihi : J’estime qu’il est de mon devoir de sauver la cohésion sociale, l’unité et l’intégrité nationale, mises à mal par l’arrivée de cette nouvelle Constitution taillée sur mesure pour le président. Je me présente pour qu’un véritable débat puisse avoir lieu sur ce sujet durant la campagne mais également pour lutter contre le durcissement de l’actuel régime qui menace notre jeune démocratie. Il ne faut pas laisser le champ libre à Azali Assoumani.
Mais avec douze candidats, l’opposition ne craint-elle pas de lui faciliter la tâche lors du premier tour ?
S’il y a une chose que je peux aujourd’hui vous assurer, c’est que, contrairement à ce qu’il ne cesse d’affirmer, Azali Assoumani ne sera pas élu au soir du premier tour. L’électorat reste essentiellement « territorial » aux Comores. Il sera donc aussi fragmenté sur la Grande Comore que le nombre de candidats est important. Ensuite, je doute que le président fasse le plein des voix sur l’île d’Anjouan, très remontée contre l’emprisonnement de plusieurs de ses responsables politiques de premier plan, ou sur celle de Mohéli, majoritairement opposée à la réforme constitutionnelle. En partant bien sûr du principe que nous aurons une élection juste et transparente.
« Nous demandons à la communauté internationale d’envoyer des superviseurs internationaux »
Comment vous en assurer ?
C’est le principal objectif de la plateforme mise en place par l’opposition. Nous avons déjà contacté la communauté internationale pour qu’elle sécurise les scrutins sur l’ensemble du territoire. Plus encore que des observateurs, nous demandons qu’elle envoie des superviseurs internationaux, avec des capacités de contrôle renforcées dans les bureaux de vote comme dans les différentes instances nationales chargées du recomptage, comme la Ceni [Commission électorale nationale indépendante, ndlr] ou la Cour suprême.
Redoutez-vous certains débordements durant le scrutin ?
Bien sûr, avec le climat politique délétère qui règne aujourd’hui dans le pays. Les arrestations arbitraires se sont multipliées ces derniers mois, au sein de l’opposition comme de certains médias, par un régime qui concentre aujourd’hui tous les pouvoirs entre ses mains, à commencer par le judiciaire. L’actuel président Azali Assoumani n’a plus rien à voir avec celui qui était au pouvoir entre 2001 et 2006. À cette époque, il avait des ambitions pour son pays. Aujourd’hui, il en a seulement pour lui et son clan.
Quelles seraient vos premières mesures en cas de victoire le 21 avril, date du second tour ?
L’urgence est de réconcilier les Comoriens entre eux. Cette nouvelle Constitution ne tient aucunement compte des spécificités propres à chacune des îles, je défends donc un retour aux accords de Fomboni, signés en 2001, et au principe d’une présidence tournante de cinq ans. Je compte aussi redonner toute son indépendance au pouvoir judiciaire, pour mettre un terme au recul des libertés individuelles auquel nous assistons ces derniers mois.
Source : Jeune Afrique