ALFAJR QUOTIDIEN – Journal d'information quotidien comorien

Peut –on encore parler de démocratie aux Comores?

« C’est  trop exiger de la politique que lui demander de réaliser le bonheur et le sens de la vie ». MAX WEBER.

Professeur Djaffar MMADI
Université des Comores
Professeur Djaffar MMADI à l’Université des Comores

Je l’avais dit à travers mes publications et je le répète encore une fois, la démocratie est une finalité comme le développement d’un pays. Pour y parvenir, il faut, c’est un tourisme, en prendre le chemin et faire, dans la bonne direction, les premiers pas. La démocratie est aussi un apprentissage : comme de se tenir  debout et de marcher pour un enfant, comme de nager ou de conduire une voiture ; on hésite, on tombe, on coule ou on cale avant d’acquérir les automatismes de la fonction et de dominer ses règles…au point d’un d’en faire une « seconde nature » de ne plus pouvoir oublier ni revenir en arrière.

 Cependant, depuis quelques temps, nous constatons que notre pays, a choisi de faire une marche arrière quant à la définition réelle de la démocratie : le pluralisme des partis politiques et des candidatures lors d’une élection ne suffit pas, tant s’en faut, même si les scrutins se passent sans fraude criante et sans que leurs résultats soient sérieusement contestés. Il n’y a pas de démocratie sans justice indépendante, intègre et respectée ainsi que tous ses auxiliaires. Il n’y a pas de démocratie sans le contre pouvoir d’une presse  elle aussi indépendante. Cela, c’est le fondement, mais il n ‘y’a pas non plus de démocratie au sens plein du terme lorsqu’il y a des prisonniers politiques au sort obscur et incertain, ou lorsque la liberté de circuler est arbitrairement contrôlée, ou bien encore quand l’éducation et la santé ne sont pas dispensées à un niveau décent.

   Contrairement à l’eau qui, pourvu qu’on la distille, peut-être absolument  pure, la démocratie n’est jamais absolue ni parfaite certes, la dictature non plus, d’ailleurs, c’est l’objet de mon article : sommes-nous encore dans une démocratie ou une vraie dictature ? 

 Dois-je rappeler aux jeunes moins de trente ans qu’à l’époque, pour un rien, les militaires débarquaient et tiraient à balle réelle, confondaient Mohamed ADAMO  et l’autre ADAMO  d’Iconi porté disparu à jamais… ?

  Cela étant, notre devoir à nous en tant qu’intellectuels, en tant que réveilleurs de conscience, nous qui subissons l’arbitraire à dose plus ou moins concentrée, est de ne pas être inertes, passifs et aveugles.

 Ce qui se passe à l’heure actuelle dans nos villes et villages, c’est du déjà vu. Raison pour laquelle, nous devons réagir, protester, sensibiliser l’opinion  publique intérieure et extérieure, dire non aux tenants de l’arbitraire, leur rappeler s’il le faut le devoir de Mémoire.

  En réalité, quand  on est gouvernant, on devrait mettre un point d’honneur à faire parcourir à son peuple des pas décisifs vers la condition démocratique. Il est aberrant que, par confort de pouvoir, un gouvernant refuse ce défi, change la constitution, suspend les autres textes institutionnels, dans le seul but de se maintenir au pouvoir, se remplir les poches et maintienne en même temps son peuple année après année, dans le sous développement politique et économique.

 Je me dois également de rappeler  une autre vérité même si son évocation déplait : le développement économique, la notion d’émergence dont parle sans cesse le président Azali n’a aucun sens, sans le respect de la vie humaine.

 Tout compte fait, les idées démocratiques sont-elles, chez –nous particulièrement, en progrès ou en recul ? Je dirai sans hésitation aucune en recul. Il suffit d’observer ce qui se passe autour de vous. Or s’engager dans la voie  démocratique lorsque l’on est au pouvoir, c’est d’accepter  de le perdre  par le vote  des citoyens. Et lorsqu’on est opposant, choisir d’y parvenir (et croire que c’est possible). Non plus par fusil mais par les urnes.

 C’est pour les uns et les autres, entrer dans un système qui a ses règles.

  Tenter de faire autrement, c’est rentrer dans une impasse. Or de l’impasse sortent des incidents ; la violence nait ou renait de la querelle des chefs. On fait appel à l’étranger, ou on le prend à témoin. Signe que contrôle de la situation politique chez nous, échappe  à la classe politique  notamment aux gouvernants.

  On en est là. Nul ne peut dire lequel de ces cas de figure passera le test de l’histoire à mes yeux, il ne fait aucun doute, tant qu’il y aura des prisonniers politiques, la démocratie sera mise à mal et la stabilité n’existera plus….

Seul un régime qui saura respecter toutes les institutions démocratiques sans tricher et s’occupera vite et bien de l’économie et de la démocratie, nous sauvera, d’une nouvelle dictature  incarnée par un homme fort.

 Comme l’avait bien dit, l’ex-président OBAMA « l’Afrique n’a pas besoin des hommes forts, elle a besoin des institutions fortes. »

Professeur Djaffar MMADI

Université des Comores

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