ALFAJR QUOTIDIEN – Journal d'information quotidien comorien

Abidhar Abdallah : « Le colonel Azali saura être la solution »

Un des cadres politiques de l’île d’Anjouan, Abidhar Abdallah brise le silence. Après une longue absence sur la scène politique ainsi que dans les médias, Abidhar Abdallah, dans cet entretien accordé à Al-fajr, revient sur la tournante d’Anjouan : « le 26 mai 2021 c’est un enfant comorien originaire d’Anjouan qui aura la charge de présider la destinée des Comores. » 

Quelle lecture faites-vous de la journée du 06 juillet, notamment la célébration de la fête à Anjouan, le rassemblement de l’opposition à Genève et l’assaut de l’armée à Ntsudjini ?

Je déplore tout d’abord le fait que la fête a été organisée de manière clivante, totalement détournée de son sens de mémoire, d’unité et de fierté nationale. Une nette contradiction entre le discours et les actes. Par ailleurs, je ne pense pas que sa délocalisation est de nature à changer que ce soit à Anjouan par rapport à la problématique de la tournante de 2021. Au sujet de la rencontre de Genève, personnellement, j’apprécie toute démarche pacifique dénonçant la violence et les violations des libertés et droits humains aux Comores comme ailleurs. Ce n’est pas un coup d’épée dans l’eau, c’est un véritable coup dur contre le régime sur le plan diplomatique. Je voudrais, par ici, convier tous ceux qui s’en moquent éperdument, à se détromper et surtout à ne pas être surpris si dans un avenir proche certains partenaires des Comores revoient le niveau de leur soutien à notre pays. Quelle coïncidence ! Au moment même où la diaspora se trouvait sur ce lieu symbolique pour dénoncer les actes du régime, celui-ci a décidé une intervention musclée et disproportionnée des forces de l’ordre à Ntsudjini. Ce qui est certain: nous avons manqué une occasion de démontrer notre cohésion et notre unité à l’occasion de cette fête nationale.

Les proches du pouvoir affirment la tournante en 2024 et non en 2021….

Je me permets une précision : que les proches du pouvoir n’aient aucun mal à ériger le mensonge en système de gouvernement, c’est leur affaire. Mais je ne peux pas mentir à mes concitoyens. Il n’y a pas de tournante anjouanaise de 2024. Aucun article de leur « constitution » de 2018 ne peut s’y interprété ainsi. Au contraire, si leur coup de force passe, Anjouan attendrait sa tournante jusqu’en 2029 et Mohéli en 2039. Heureusement que la constitution de l’Union des Comores est claire: le 26 mai 2021 c’est un enfant comorien originaire d’Anjouan qui aura la charge de présider la destinée des Comores. Pour parvenir, nous avons à notre disposition suffisamment de moyens de persuasion politique et diplomatique à la hauteur de l’enjeu. Comme la présidence tournante est d’abord entre comoriens un contrat moral avant d’être une institution. Je crois en la force de la parole politique et à la morale pour faire changer d’avis le colonel Azali. Comme je suis aussi convaincu que ce dernier saura être la solution et non plus le problème.

 En cas de tournante en 2021, seriez-vous candidat ?

 Ce n’est pas le moment de me prononcer là-dessus. Je pense que ce qui est important en ce moment, c’est qu’on parvient à faire admettre le principe de cette tournante. Une fois réglé, tous ceux qui souhaiteraient être candidats pourront l’annoncer.

Vous avez été absent de la scène politique durant deux ans au moins, qu’est-ce qui s’était passé exactement ?

  J’appelle ça la traversée du désert. C’est un des moments douloureux dans la vie d’un homme politique. En effet, pour des raisons X, un politicien digne peut se trouver dans l’obligation de s’imposer un temps indéterminé de recul, de remise en cause et d’autocritiques lorsqu’il constate que ce à quoi il croit, ses convictions, valeurs et principes n’ont pas de place selon la conjoncture. « Je ne me sens pas capable de tourner ma veste », cette phrase que j’avais en mon âme et conscience que j’avais prononcée en mai 2017 dans une interview accordée à la journaliste Mme Faiza Soulé Youssouf, a été annonciateur et en disait long. L’important est de souligner que pendant ce temps, j’étais à la croisée des chemins et en proie à des multiples interrogations. Finalement je suis arrivé à une double conclusion : les Comores ont besoin de nous tous et que entre la politique et moi, c’est un mariage à vie. J’ai alors décidé que désormais, le peuple comorien ne va plus jamais, au grand jamais, se sentir abandonné surtout lorsqu’il est dans ses droits.

Que pensez-vous du discours du gouverneur Anissi ?

 Le 22 juin dernier, Anissi a pointé du doigt sur la gestion chaotique de l’État en général et celle sur les îles en particulier ; en dénonçant le fait que la seule préoccupation de nos gouvernants reste de loin « le partage du gâteau » et le floue volontairement entretenue au sujet de l’autonomie et des prérogatives des îles. Pour lui Anjouan va mal et il craint le pire, surtout lorsqu’il fait le parallèle avec le contexte de 1997, lui qui a été victime de tous les atrocités des séparatistes pour la seule raison qu’il était le directeur de cabinet du gouverneur de l’époque. C’est dommage qu’il découvre l’hypocrisie et le cynisme de ses nouveaux amis maintenant. Une chose est certaine: les Anjouanais comme tous les Comoriens le considèrent complice de ce régime. Quoi qu’il en dise il se comporte en opportuniste, égoïste assoiffé de pouvoir.

Recueillis par Kamaldine Bacar Ali

 

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