ALFAJR QUOTIDIEN – Journal d'information quotidien comorien

Mlango 26

Mlango 26

 « … Celui qui fera des bêtises, nous ne le punirons pas seul. Il sera puni avec toute sa famille. ». Ces mots du président suppléant Moustadrane Abdou ont l’audace d’annoncer la couleur. Que la mascarade commence.

Welcome in the Jungle. Rien de surprenant !


Qui aurait fait mieux ? Surement pas le ministre Souef El-Amine, qui essaie malgré tout de garder une stature digne, sans jamais remettre en cause directement – sauf en off, parait-il – son gouvernement. Le président Azali a finalement pris congé et a choisi de confier les rênes de la république à Moustadrane. Drôle de choix pour le président, qui demande à la France, un dialogue franc. Pour l’ancien vice-président, Mayotte n’est pas une île comorienne, mais appartiendrait à un autre pays. En tout cas, c’est ce qui est ressorti de sa déclaration en août 2018, quand il a demandé aux opposants anjouanais mécontents, de « quitter le pays en kwassa kwassa vers un autre pays. Mayotte ». Telle est la personnalité que le chef a choisi pour sa suppléance. Loin d’unir ou de chercher l’apaisement, ce dernier est adepte des petites phrases stigmatisant, à l’endroit des concitoyens de l’autre bord. Son approche est brute et sans filtre.

 

Mais à y voir clair, il s’agit d’un choix stratégique. Dicté par la nécessité d’installer la peur dans le subconscient des candidats et leurs soutiens, le colonel a fait le choix de durcir la trajectoire des élections, en les confiant au tandem Moustadrane/Mohamed Daoudou. Le seul capable d’assurer la mission. Un duo de choc à la manette. On ne peut mieux faire. Le ministre a l’art de se faire passer pour le maître du temps et de l’espace. Affirmant sans sourciller, faire ce qu’il veut et n’en avoir que faire de la loi. Le président suppléant, s’est quant à lui, spécialisé dans les attaques directes contre les citoyens.

Tant pis pour le ministre des affaires étrangères, qui se voyait peut-être déjà à Beit-Salam.


Par la suite, il n’a pas fallu beaucoup de temps pour que Moustadrane lance les hostilités. Le 21 février, une journée après l’ouverture de la campagne électorale, il a encore une fois dérapé. Menaçant, dans une allocution officielle, de « punir » les familles de tous ceux qui feront « des bêtises ». Mais à qui et à quoi fait-il allusion ? Et quelle punition leur réserve-t-il ? Jamais nous n’aurions imaginé, entendre ceci de la plus haute autorité du pays. La parole du président ne devrait jamais se mettre en dehors de la loi. Mais à force de partir en freestyle, nos représentants ne mesurent que tardivement, l’impact de leur propos et leur prise de position. Parce que j’aime à croire que cette phrase de Moustadrane, ne lui a pas été écrite dans un discours. Mais on ne pouvait pas rêver mieux s’agissant de l’ancien vice-président. On se rappelle encore de ces paroles glaçantes, quand il disait en direction des Anjouanais, dans un meeting public en juillet 2018 : « … Celui qui sera rattrapé par la patrouille n’aura même pas la visite de sa femme. »

 

La couleur est ainsi annoncée et rien ne nous surprend. Mais nous ne manquerons de rappeler à monsieur le président suppléant, vu qu’il a sûrement oublié, qu’il est là pour un temps court. La nation ne devrait pas se rappeler de lui, comme du président de la haine. Les petites phrases qu’il a l’habitude de balancer ne sont pas dignes de sa stature. Nous lui rappelons aussi, qu’il travaille pour les citoyens comoriens et représente notre nation. Nous lui demandons de respecter cette haute institution qui est la présidence de la République. La stigmatisation des plus faibles est un honneur pour personne. Moustadrane a avant tout, la mission d’organiser des élections dans la paix. Il a donc un devoir de neutralité. La nation comorienne est entre ses mains. Puisse-t-il ne pas nous conduire vers une guerre ou des affrontements fratricides. En attendant, soyons intègres, soyons citoyens, soyons Comoriens, et le meilleur suivra.

 

Khaled SIMBA

Mlango 28: À en perdre les dents !

Mlango 28: À en perdre les dents !

Parce qu’il s’agit de dire que notre liberté n’aura jamais de prix. Que nos libertés ne peuvent pas être remises en cause. Jamais. Que s’il le faut, nous marcherons avec nos dents pour les réclamer…

 À en perdre les dents !

C’est la triste question que je me pose depuis maintenant une semaine. Depuis la mise sous silence d’Oubeidillah Mchangama. À quoi bon continuer, si le jeu est fait d’avance. Si nous ne sommes que des pions. Utiles pour les uns en temps de Pluie. Et pour les autres, quand le soleil brille de mille feux. À quoi bon écrire. Tenir une chronique toutes les semaines. Au mieux, le papier servira de contenant de « Njugu », ou d’emballage de viennoiserie et de « bajia ». Avant de finir dans une des déchetteries sauvages de Volo-volo. Les idées, les cris d’alarme, les espoirs, personne ne s’y intéresse. Le peuple, en premier lieu la jeunesse a abdiqué. Nous nous sommes embarqués avec eux, dans un voyage sans fin. Dans un navire avec une boussole cassée. Un équipage dépité, qui laisse le gouvernail aux meilleurs des bonimenteurs. Les plus habiles devenant des griots. Chantant à tue-tête, à enivrer les sirènes des eaux les plus profondes.


Croire à un idéal. C’est ce qui nous anime. Croire que c’est possible. Que c’est à nous de le faire. Que personne ne le fera à notre place. Mais à vrai dire personne ne veut le changement. Ou du moins peu sont ceux qui le souhaitent. Le bien commun n’intéresse personne. Les analyses et les propositions qui sont faites, ne changent rien. Et elles ne changeront rien. Il faut accepter l’évidence. La caste d’en haut, ne nous laissera jamais lui priver de son moment. « Son dimanche ». Ils ont du mal comprendre cet adage comorien qui dit « A chacun son dimanche ».
Notre idéal restera un leurre, tant qu’il ne sera porté par la masse. Je suppose que c’est ce qui animait aussi Oubeid et ses acolytes. Leur approche atypique, leur a donné une voix. Ils l’ont mise au service de l’information. Zéro calcul. Présent partout et à toute heure pour donner la parole à tous. Pas seulement aux politiciens. Au  peuple aussi, celui que d’aucun qualifie de «  bas ».Cette frange de la population, que l’on n’entend pas souvent. Très rarement. À part, quand on leur demande, au risque de leur vie, de monter dans des camions et scander à en perdre la voix, les noms des candidats aux diverses élections.

 

Triste et révoltant mais surtout dur à accepter. Dur de se dire que nos grands frères ne voient en nous, que des simples pièces d’un jeu d’échec, manipulable à souhait. Que notre voix et nos plumes ne peuvent service que leur plan de carrière. Que nos idées nouvelles, notre engagement, ne veulent rien dire, quand ils ne rejoignent pas les leurs. Qu’il leur suffira d’arriver en haut, pour nous réduire en animateur de toirab (comme si l’animateur de toirab ne pouvait avoir un esprit cartésien) et nous mettre en prison. Dur d’accepter que notre idéal n’intéresse personne. Qu’ils ont réussi à nous diviser. Au point de voir un responsable d’une association de « jeune », dire qu’il s’en fout de l’application stricte de la loi sur les marchés. A quoi bon continuer alors, l’espérance s’est fait la malle.

 

À y regarder de près, ils sont peu nombreux à souhaiter faire les choses autrement. Inverser la vision. Réduire la distance focale. Il faudrait un tsunami politique aux Comores pour espérer changer les mentalités. Parce qu’il s’agit avant tout de changer les mentalités. De comprendre que les gouvernants, ne sont que nos employés. C’est nous, les maîtres et pas eux. Nous le peuple. C’est à nous qu’ils doivent faire des salamalecs et non l’inverse. Il s’agit de comprendre que la culture du résultat n’est pas une option, mais une obligation. Qu’à défaut de résultats, nous devons demander un changement et non l’espérer. Parce qu’il s’agit de dire que nos libertés ne peuvent pas être remises en cause. Que notre liberté n’aura jamais de prix. Jamais. Nous marcherons avec nos dents s’il le faut, pour la réclamer. Même il est dur d’accepter que ma chronique n’y changera rien. Rien. Ni pour Oubeidillah Mchangama ni pour mes cousins et moi. Mais en attendant, soyons intègres, soyons citoyens, soyons Comoriens, et le meilleur suivra.

 

Khaled SIMBA

Mlango 24

Mlango 24

Il ne suffit pas d’acheter une centrale faussement neuve –comme le pensent certains – pour espérer résoudre le problème. « Les coupures de plus en plus fréquentes constatées, ces derniers temps sans électricité (tour des régions et quartiers) sont de plus en plus longues depuis vendredi et continueront à subir des délestages  durant  une période de 45 jours pour des raisons de maintenance de nos centrales thermiques qui fournissent actuellement moins de la puissance demandée.»

SONOLEC : Incompétents et Intouchables.

C’est un bien triste anniversaire que l’Etat comorien s’apprête à célébrer. Un anniversaire avec pleins de bougies et pas du tout de courant électrique. Le courant n’est plus. Il va être difficile de faire campagne sur une centrale thermique qui ne cesse de démontrer ses limites. Le père autoproclamé de la lumière risque d’avoir du plomb dans l’aile. Difficile de continuer le mensonge. AZALI-II a suivi la même démarche qu’AZALI-I et on s’étonne que ça ne fonctionne toujours pas.

On continuera de s’endetter, encore et encore, pour acquérir d’autres moteurs, pour pallier l’urgence. Et si l’urgence était ailleurs ?
Le couperet est tombé mardi dernier (05/02), sous forme de communiqué : « Nous comptons procéder à une distribution rotative de l’électricité uniquement pendant la journée et comptons mettre en place une publication d’un programme de distribution périodique dans les périphériques en conformité de la puissance disponible ». Un communiqué venu confirmer les craintes des usagers, de faire un bon de deux ans en arrière. Hélas ! Désormais, c’est le noir total. En réalité depuis plus de deux mois, les régions étaient fortement délestées, parfois  durant plusieurs jours d’affilés. Chômage technique pour beaucoup de salariés du privé et du public. Les fichiers PDF de certains journaux de la place, ne sont plus distribués aux abonnées et on termine avec la SONEDE qui accuse son cousin la SONOLEC d’être l’origine de la pénurie d’eau qui s’intensifie dans la capitale et ses environs.

 

Cette nouvelle crise n’est pas sans rappeler ce qui s’est passé après AZALI-I. Il n’a pas fallu beaucoup de temps, après que l’Etat se soit endetté pour équiper la Mamwé, pour  que le problème de la fourniture de l’électricité et de l’eau s’intensifie. Aujourd’hui, le gouvernement n’a même pas eu le temps de finir son mandat, que la nouvelle centrale, acquise dans un flou artistique (non-respect de la loi sur les marchés publics), pour pallier à l’urgence – nous dit-on – commence à montrer des limites. Des questions légitimes se posent, notamment sur la véracité de l’état de la centrale, censée être neuve. Sur le manque d’entretien des moteurs et sur les capacités techniques des employés. Nos techniciens et ingénieurs, sont-ils à la hauteur ? Les recrutements, sont-ils adaptés ? Le manque de ressource qualifiée n’est-il pas la vraie cause des crises à répétition dans cette société ? Ne manque-t-il pas de formation continue pour les employés ? Même s’il faut signaler que la société française (Atelier de Mécanique des Pertuis), chargée de la maintenance de  le « nouvelle centrale » devait, dans son contrat, former des agents de la Mamwe. Contrat qui est arrivé à terme et qui ne sera vraisemblablement reconduit. Mamwe, puis la SONELEC devrait plus de 500 millions de nos francs à la société française de maintenance, selon une information publiée par le Quotidien Masiwa en décembre dernier.

 

Toujours est-il qu’une  bonne gestion commence par accepter de changer de stratégie quand celle jusqu’ici utilisée ne fonctionne pas. Il est peut-être temps de faire autrement. Changer de moteur, encore et encore ne résout pas et ne résoudra pas le problème. Sans un entretien qualitatif, tout le parc de la SONELEC, va continuer à s’éteindre, et cela, qu’importe les investissements qu’on y mettra, pour racheter d’autre moteurs d’occasions, encore plus puissants. Nous devrions avant tout avoir des ressources qualifiées pour assurer l’entretien. L’entretien coûtant cher, avoir surtout une gestion saine de la société pour espérer le faire en temps et en heure, la Mamwe enchainant les scandales financiers à répétition. Il appartient donc à nos politiques et aux responsables de la société susmentionnée, d’orienter les investissements dans la formation continue. Elle est peut-être là la magie. Celle qui redonnera de l’électricité et de l’eau à toute la population.


Le communiqué nous apprend que cette situation était prévisible : « Les régions subissent des coupures généralisées puisque les groupes sont maintenant sollicités au-delà de ce qu’ils sont en mesure d’offrir ». Pourquoi la société d’Etat a-t-elle attendu aussi longtemps pour procéder à la révision des groupes électrogènes ? Et comment a-t-on pu laisser pourrir la situation jusqu’à en arriver là, alors que comme le précise le communiqué, ceci est dû au « dépassement de ses horaires et de maintenance ».  Gouverner c’est prévoir et on aurait du mal à croire et à comprendre que les responsables de la SONELEC n’étaient pas au courant de ce qui était en train de se passer. Que pousser à fond les moteurs sans entretien, ne pouvait que les affaiblir. Nous attendons donc les sanctions adéquates, comme ce fut le cas contre la secrétaire générale du ministère de la Santé, qui a signé l’autorisation de production et d’exportation de « bangue » depuis nos iles. Sauf si à la SONELEC, les responsables sont intouchables, protégés par ceux qui sont plus haut. En attendant, soyons intègres, soyons citoyens, soyons Comoriens, et le meilleur suivra.

 

Khaled SIMBA

La cour suprême a sonné le début des festivités en publiant la liste provisoire des candidats à l’élection présidentielle et gubernatoriale. Zéro surprise. On prend les mêmes et on recommence. L’argent coulera à flots, on le sait. La question se pose juste sur le timing et sur les personnes à même de s’occuper de ces détournements de fonds publics.

« Des détournements de fonds, certes, il y a eus ». Et on recommence.

Dans quelques semaines, l’argent va couler à flots. Et il n’est pas sûr que vous en voyiez la couleur pour les 5 ou 10 années à venir, dès les élections finies. Mangez donc. « Ye sisa Mdru Hama », comme ont dit les anciens, avant qu’il ne soit trop tard. La justice l’a déjà prouvé, notre classe politique n’a aucune limite quand il s’agit de faire gagner leur camp. On pille les caisses de l’Etat, sous la couverture de nos amis au gouvernement. Et on se laisse aller à un clientélisme flagrant, en distribuant des cadeaux à la veille des élections. Il est rarement question d’idées et de programmes établis. Une petite brochure à distribuer à gauche à droite, à qui s’y intéresse. Une liste de promesses sous un graphisme bien travaillé, à la limite du foutage de gueule. Et Hop ! Personne ne vote pour un programme, en tout cas pas le bas peuple, tellement affamé et assoiffé, que quelques billets d’Al-habib Said Omar suffisent à s’attacher leur soutien inconditionnel, semblent penser nos politiciens. Ne refusez surtout pas. Prenez en le maximum. Il vous appartient. Mais choisissez le bon. Pas le moins mauvais. Le meilleur. Parce qu’il nous faut le meilleur. Pas celui qui veut juste chasser Azali.

Aboudou SOEFO, ancien secrétaire général de la  CRC (principal parti au pouvoir), confirme un détournement orchestré par son ancien parti, dans un post Facebook, daté du 12 décembre 2017. « Des détournements de fonds, certes, il y a eus », affirme-t-il, serein. Il poursuit calmement, en donnant des détails bien précis sur la somme, le but et le commanditaire de ce détournement. « … 32 millions de nos francs décaissés aux hydrocarbures début 2006… ». Plus loin, « …Un détournement auquel j’ai participé avec d’autres camarades pour le compte de la CRC. ». Il précise enfin, que cette somme a servi à la campagne d’Ibrahim Halidi, candidat du CRC pour l’élection présidentielle. Et voilà la boucle est bouclée. SOEFO a purgé sa peine et payé sa dette à la république. Il s’est expliqué devant la justice et de manière publique.

Mais comme le colonel Azali Assoumani et son putsch, il lui restera toujours une dette morale envers le peuple comorien, pour avoir influencé négativement son avenir.

Il est très marrant d’observer le positionnement actuel des grands partis politiques, en premier lieu la CRC, « condamnée » par la justice, à travers ses cadres de l’époque. Il est affligeant de voir avec quelle facilité ces partis avancent leurs pions sans prendre en compte les condamnations passées. Le clientélisme est toujours légion, au vu et au su de tous. En témoigne l’opération « chaussure de foot », qui serait selon toute vraisemblance, lancée par le commissaire au plan, à la veille du double scrutin qui s’annonce. Une opération qui ressemble comme deux gouttes d’eau à celles des équipes du « Mzé Mwendza Mvu » alias Mamadou, qui ont offert des maillots de foot à certaines équipes, à la veille du scrutin de 2016.

La pratique est habituelle et connue de tous. À chaque période de vote, l’argent tombe littéralement du ciel. Et à chaque fois, ce sont les mêmes personnes qui reviennent, comme pour nous narguer. Les anciens membres de la CRC qui ont programmé le détournement, forment aujourd’hui pour la plupart, l’état-major de la « nouvelle » CRC et/ou du RADHI. Le mal est bien profond et ne se limite pas à quelques personnalités. Ils n’hésiteront pas à reproduire le schéma d’antan. Il s’agit tout de même de deux partis politiques d’envergure, qui jouent un rôle clé dans les Comores d’aujourd’hui. Le premier étant la propriété du président de la République, le deuxième ayant à sa tête, celui qui chuchote à l’oreille du président, Houmed Msaidié.

CRC, Radhi, UPDC, JUWA… Tous sans exception ont joué le jeu du clientélisme et pour certains du détournement de fond public, pour servir une campagne et pas seulement. Ils referont la même chose encore cette fois. Et pour toutes les fois qui viendront. Pour que ça change, c’est le système qu’il faut changer. Et pour ce faire, c’est toute cette classe politique qui doit sauter. Ce ne sera pas pour cette fois, malheureusement. Mais on ne désespère pas. En attendant, soyons intègres, soyons citoyens, soyons Comoriens, et le meilleur suivra.

 

Khaled SIMBA