ALFAJR QUOTIDIEN – Journal d'information quotidien comorien

Comores : opportunité, ambition et changement d’échelle : leçons pour le monde des « îles de la lune »

La première chose que l’on remarque en descendant sur l’aéroport de Moroni aux Comores est le magnifique océan. La beauté des plages grises est intense – mais aussi refroidie par la lave et les restes de voitures d’occasion. De l’aéroport, nous sommes partis visiter une initiative gouvernementale soutenue par le PNUD sur l’agriculture. En route , on voit des groupes de femmes attendre pour aller chercher de l’eau avec leurs jerrycans. On constate également une forte présence de déchets plastiques.

Mais ensuite, nous arrivons au Centre Rural de Développement Économique (CRDE ) à Diboini, – et observons comment les défis que nous venons d’observer se transforment en opportunités – et comment cela, apportent un changement transformateur pour les gens.

Le projet « Renforcement de la résilience des Comores aux risques de catastrophes liées au changement et à la variabilité climatique » financé par le Fonds Mondial pour l’Environnement (FEM) a déployé une station météorologique automatique qui a renforcé la collecte de données et amélioré les prévisions climatiques. Ces données, essentielles à l’adaptation au changement climatique, sont transmises à la Direction Technique de la Météorologie, où des techniciens formés par le projet analysent et émettent des prévisions vers quatre autres stations installées sur d’autres parties de l’île. En bref – grâce à cet investissement, les communautés majoritairement des femmes sont mieux placées pour synchroniser leurs activités agricoles, et peuvent donc espérer de meilleurs rendements, malgré la pression du changement climatique.

Dans le même CRDE, un projet financé par le Green Climate Fund (GCF) a mis en place des réservoirs de collecte d’eau fournissant aux agriculteurs l’irrigation, ce qui a augmenté leur production et doublé leurs revenus. L’objectif global du projet, qui est d’étendre l’accès à l’eau potable de ses 15 % actuels à 60 % des 450 000 habitants de l’île, est un exemple classique de la façon dont les ressources de développement peuvent être ciblées pour apporter des changements transformationnels critiques, à grande échelle.

Pour augmenter la productivité agricole, promouvoir la sécurité alimentaire et garantir des revenus plus lucratifs aux agriculteurs, le PNUD a aidé le gouvernement à développer des variétés améliorées de banane, de manioc, de patate douce et de gingembre ; para vétérinaires formés, amélioration de la disponibilité des médicaments vétérinaires dispensés et pratiques d’élevage. Tous ces efforts ont abouti à la production de races améliorées de vaches laitières, modifiant radicalement les enjeux au profit des populations.

Dans toutes ces interventions, ce qui a été la clé du changement transformateur a été le choix stratégique du gouvernement et de l’équipe des Comores du PNUD de mettre les communautés au centre de l’attention, afin que leur agence soit sécurisée ; et de chevaucher chaque projet géographiquement en tirant parti des activités des autres, et en apportant ainsi un changement percutant à 360 degrés.

L’objectif est clair : renforcer la résilience et intensifier l’impact.

Dans une île où environ 80% de la population rurale dépend de l’agriculture pluviale pour sa subsistance, ce secteur doit être le fondement pour catalyser le développement. Et avec les fondations réussies de l’adaptation au changement climatique posées, il est maintenant temps d’approfondir les investissements dans le renforcement de la résilience. C’est aussi le moment de passer à l’échelle. L’intégration de solutions inter-portefeuilles est essentielle à la mise à l’échelle, par exemple en incorporant la production d’énergie durable à des approvisionnements en eau améliorés ; assurer l’accès au marché pour que les agriculteurs réalisent des bénéfices grâce à leur production accrue et offrir des opportunités de valeur ajoutée, notamment grâce à des investissements dans l’amélioration des infrastructures (comme les routes et la chaîne du froid).

Investir dans la valeur ajoutée des matières premières agricoles des Comores doit être la prochaine étape vers la modernisation et l’industrialisation. En collaboration avec le gouvernement et les banques de développement, le PNUD Comores travaille déjà pour offrir des prêts concessionnels permettant aux petites et moyennes entreprises de créer des produits à valeur ajoutée. Mais ce n’est pas assez. Nous devons travailler avec les communautés pour attirer plus d’investissements, attirer plus de partenaires et étendre ces bonnes leçons non seulement aux Comores, mais aussi dans d’autres pays de la région, pour élargir le panier du changement transformateur.

Les petits États insulaires en développement comme les Comores ouvrent la voie en Afrique.

Avec les Comores assumant la présidence de l’Union africaine en 2023, il y a une occasion unique de faire exactement cela : mettre ces expériences à profit à l’échelle continentale. À bien des égards, les défis et les opportunités que nous avons vus aux Comores reflètent ceux d’autres régions d’Afrique. À l’instar des Comores, mettre l’Afrique sur la bonne voie pour atteindre les ODD nécessite des investissements à grande échelle pour réaliser une transformation économique structurelle, renforcer la résilience à long terme aux chocs actuels et futurs, réduire la dépendance de l’Afrique (en particulier vis-à-vis de la nourriture et du carburant) et augmenter sa capacité de production. Le renforcement de la résilience des systèmes alimentaires africains est essentiel pour la sécurité alimentaire et stimulera la productivité agricole du continent, tout en établissant une base solide pour l’industrialisation basée sur l’agro. Il permettra à l’Afrique de rentabiliser ses atouts en tant que région abritant 60% des terres arables inexploitées du monde.

Alors que l’Union africaine consacre 2023 comme l’année pour accélérer la mise en œuvre de la Zone de la Libre Echange Africaine (Zlecaf), les pays africains ont une opportunité unique de se positionner pour améliorer leurs exportations sur un marché de 1,4 milliard de personnes et un PIB combiné de 3,4 billions de dollars. Un marché unique en Afrique doté de la libre circulation des biens, des services et des personnes modifie radicalement la trajectoire de développement du continent d’une manière extrêmement positive – avec la perspective de sortir 30 millions de personnes de l’extrême pauvreté et 69 autres de la pauvreté modérée, augmentant ainsi les revenus de 450 milliards de dollars d’ici 2035 et stimuler le commerce intra-africain de 33 %.

Cela peut être un marché pour les Comores… et pour les autres États membres de l’Union africaine – si les bons investissements sont faits.

Nous avons quitté les Comores avec l’espoir : que l’approche Diboini, si elle est mise à l’échelle, offre à ces belles îles une nouvelle possibilité de développement : celle qui est ancrée sur l’agence – autonomiser les communautés et maximiser la valeur de leurs actifs pour lutter contre la pauvreté, créer de la richesse – et repousser sur les rigueurs de l’urgence climatique.

Nous sommes également partis avec la certitude que cette nouvelle approche peut sauter directement des îles de la lune à l’Afrique et, en fait, au reste du monde.

NOURA HAMLADJI : Directrice Régionale Adjointe, Bureau régional pour l’Afrique

RIAD MEDDEB : Conseiller principal pour les PEID

PRADEEP KURUKULASURIYA : Directeur et Coordonnateur exécutif, Nature, climat et énergie, PNUD

 

 

 

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