ALFAJR QUOTIDIEN – Journal d'information quotidien comorien

Présidence d’Azali à l’Union africaine/Zile Soilihi : « Un grand échec pour l’Afrique »

Le débat est très animé entre le régime qui voulait que le nouveau président de l’Union africaine soit capable de relever les défis de l’Afrique et l’opposition qui ne voit de cette présidence de l’UA par Azali Assoumani, un passeur d’une France aux abois en Afrique. Dans une interview accordée à Al-fajr depuis la France, Dr Zilé Soilihi précise que cette fonction va devenir un vrai miroir grossissant de ses défauts. Selon lui, c’est un grand échec pour l’Afrique.

Le président Azali Assoumani est à la tête de l’Union africaine. Quelle analyse faites-vous pour ces nouvelles fonctions du président comorien ?

Azali Assoumani a  bénéficié pour accéder à cette fonction du lobbying pressant de la France qui a œuvré pour le retrait de William Ruto au bénéfice d’un porteur de valise docile  prévisible prêt à transmettre des messages de médiation envers certains pays africains en particulier ceux où ils se trouvent en grande difficulté et où la rue et les gouvernants demandent le départ. Les Comores ne doivent pas se réjouir de l’accès d’un dictateur à une fonction où il a finalement succédé à un autre dictateur, Macky Sall qui, tout comme a procédé Azali, veut tordre le coup aux institutions sénégalaises pour briguer un troisième mandat. Les Comores ne tireront aucun bénéfice de la présidence d’Azali Assoumani à l’Union africaine, bien au contraire ! Pour notre pays, ce seront des dépenses supplémentaires pour un état financièrement exsangue où s’installe la cherté de la vie, le chômage endémique, la pénurie alimentaire pour ne citer que ces maux.

Qu’attendez de lui pour la crise politico-institutionnelle née au lendemain des élections de 2019 et les différentes crises qui secouent le continent africain, notamment dans le Sahel et entre la RDC et le Rwanda ?

Le goût pour le pouvoir a conduit Azali à commettre ce coup d’État électoral qui a plongé le pays dans la division et le chaos.  Il avait l’opportunité de se grandir en ramenant la concorde et la paix mais il a préféré la fuite en avant : lancer son pays toujours sans routes ni hôpitaux dignes de ce nom vers cet écran de fumée qu’il appelle émergence, mot qui est aux Comores devenu synonyme d’échec. Il a préféré endormir son peuple, la communauté internationale en organisant ces fameux dialogues dont les conclusions furent préalablement préfabriquées. En vérité Azali vient d’enfiler un costume beaucoup trop grand pour sa personne. Que vaut son rayonnement diplomatique, sa puissance d’influence sur le cours des événements et des crises qui secouent le continent ? Que pèse ce président de fait d’un pays qui peut difficilement parler pour le continent les valeurs démocratiques, le respect des libertés, des droits de l’homme. Lui qui foule toutes ces valeurs au pied dans son propre pays ? Quelle est sa capacité à inspirer le respect et à faire œuvrer d’autorité devant un Paul Kagame ? Ma prédiction est qu’il va très vite se concentrer sur ce qui est le moins conflictuel, toutes choses égales par ailleurs, c’est-à dire la mise en place de la ZLECAF. Sur les autres défis, il va faire profil bas car il va vite se rendre compte que sa voix n’est pas audible pour les grands du continent et qu’il va donc préférer passer l’année de sa présidence à traiter les sujets où le consensus est plus simple à trouver. Ce n’est pas Azali qui va tordre le bras à Macky Sall pour l’empêcher de briguer un troisième mandat et d’arrêter sa dérive autoritaire qui l’amène progressivement à menacer l’existence même de son jeunet populaire l’opposant SONKO. Ce n’est pas Azali Assoumani qui va apporter un règlement pérenne à la crise entre l’Algérie et le Maroc au Sahara occidental. Sa faible carrure et ses mauvais résultats dans son propre pays lui enlèvent toute crédibilité pour être celui qui peut influer sur ces conflits anciens auxquels d’autres plus aguerris, mieux armés, de plus haute stature n’ont pas su apporter le moindre apaisement.

Plusieurs médias internationaux contestent le nouveau président de l’Union Africaine pour diverses raisons, qu’en dites-vous ?

Je salue la clairvoyance des médias étrangers et leurs analyses sans concession du personnage qui va présider le destin du continent pendant un an. Ces médias nous disent qu’Azali , ancien putschiste homme alourdi de nombreux passifs au bilan catastrophique pour son pays  où il détient parfois au travers de procès kafkaïens, encore de nombreux prisonniers politiques et en fait assassiner d’autres n’est pas l’homme qu’il faut  à ce continent soumis à des secousses de plus en plus graves pour ses populations et plus particulièrement sa jeunesse. Il ne peut pas être valeur d’exemple ni donner de leçons car sa besace est remplie de méfaits, ces mêmes méfaits que l’Union africaine veut éliminer. C’est donc un homme affaibli à une fonction où il faut aujourd’hui un homme fort respecté dans son pays pour être respectable dans les pays où il doit ramener la paix et la sécurité.

Occuper une telle haute fonction du continent africain n’est pas une stratégie pour Azali Assoumani d’enterrer l’opposition comorienne et de justifier sa légitimité aux yeux de la communauté internationale ?

Si c’était cela son calcul alors il devrait refaire les comptes. Azali a l’égo flatté d’occuper une fonction dont il est incapable d’imposer son empreinte. Je pense au contraire que cette fonction va devenir un vrai miroir grossissant de ses défauts. L’opposition constatera et se régaler des maladresses auxquelles il nous a habitués: mots ”mangés” ou oubliés, des fautes courantes de français et de grammaire dans les discours  des  mensonges frontaux comme ceux où il a affirmé dans une interview récente à Rfi dont lui-même a affirmé qu’il a gracié tous les prisonniers politiques niant qu’il n’y a pas des grèves et de la pénurie alimentaire aux Comores. Les médias et j’ose espérer que les humoristes vont faire les choux gras de ces faux pas attendus. L’opposition doit donc tracer sa route, renforcer sa combativité car Azali va de jour en jour être affaibli dans une fonction où il n’est que le passeur de message d’une France aux abois en Afrique.

Des élections présidentielles sont prévues en 2024, mais l’opposition comorienne s’apprête à les boycotter. Quel conseil donnez-vous à l’opposition ?

Une grande partie de l’opposition dit : pas d’élections en 2024. Elle est confortée dans cette prise de position par un code électoral qui est un déni de démocratie et un véritable rejet de la diaspora qui maintient le pays à flots. Tout est mis en place pour qu’à côté du bourrage des urnes dont il est familier la composition des organes électoraux constitue un vrai boulevard pour un autre mandat d’Azali. Cependant, une autre composante de l’opposition propose d’aller à ces élections en présentant un candidat unique qui devrait être pour certains d’origine Anjouanaise par respect de la tournante. Ce qui pour moi fait sens mais fait débat. Par ailleurs Une chose est sûre en ce qui me concerne, quel que soit l’option choisie il faut que toute l’opposition se retrouve enfin unie, derrière un seul homme ou une seule femme pour faire aboutir le choix qui peut à courte échéance faire revenir l’état de droit aux Comores. La récente décision de l’opposition de mettre en avant un chef de l’opposition en la personnalité de Mohamed Ali Soilihi est à saluer et à embrasser. L’opposition fait enfin masse ! Mais la masse n’a de valeur que si elle est mue par une dynamique, ce que les physiciens appellent l’énergie cinétique car cette énergie-là est transformatrice et porteuse de changement soit par la force ou la négociation ou la voie démocratique des urnes. Il faut donc que l’opposition se mette en mouvement et profite de cette énergie ainsi générée pour nous libérer du joug d’une dictature qui enfonce notre beau pays dans la misère et la pauvreté

Propos recueillis par kamal Said Abdou

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