En pleine crise sanitaire due au coronavirus, le secteur économique est touché. Said Ahmed Said Abdillah, dénonce le fonctionnement de la banque centrale des Comores. Une banque qui, selon lui, ne joue pas son rôle.
Face à une crise due au coronavirus, n’est-il pas le moment d’une mobilisation économique ?
Si, il nous faudra une mobilisation générale tant au niveau économique qu’est sociale. C’est pourquoi je salue les bonnes volontés des uns et des autres qui ont donné de l’argent aux comoriens des Comores et ceux qui sont bloqués en Tanzanie, à Madagascar et à Dubaï. C’est une situation très grave surtout pour nos compatriotes bloqués à l’extérieur dont nous enregistrons sept morts. Nous devons tous nous mobiliser afin de sauver des vies des comoriens d’ici, en respectant les consignes données en portant des masques et garder une distance d’au moins de 1 mettre et en se lavant les mains régulièrement. Nous avons appris que nos compatriotes bloqués en Tanzanie viendront aux Comores le jeudi prochain. Nous saluons également les efforts du gouvernement comorien qui s’est mobilisé pour aider et soutenir les comoriens dans cette période difficile.
Quel rôle jouent les secteurs bancaires, notamment la banque centrale des Comores dans une situation pareille ?
Il faudra rappeler qu’il y a deux sortes des banques, la Banque centrale qu’on appelle la banque des Banques et les banques secondaires ou communément appelées banques commerciales. Les banques commerciales comme, l’économie de notre, dépendent de la Banque Centrale. C’est la banque centrale qui pilote la politique monétaire de notre pays. Or la monnaie est l’oxygène d’un pays, sans elle, on ne peut pas concevoir réellement une politique économique. Les banques commerciales dépendent de la banque centrale, par le biais entre autres du taux directeur qui fixe le coût de l’argent. C’est-à-dire le coût que les banques commerciales vont devoir payer pour acquérir « la monnaie de banque centrale ». Les Banques commerciales vont ensuite octroyer des crédits aux entreprises et aux particuliers à des taux qui seront fixés par la Banque Centrale. Pour favoriser les crédits afin de relancer l’économie, la Banque centrale devrait fixer des taux directeurs très bas comme cela se font actuellement à la Banque Centrale Européenne (BCE) et à Fédéral réserve (LA FED) et dans d’autres banques centrales du monde depuis un moment avant même la crise du covid-19. Malheureusement, pour répondre à votre question, la Banque centrale des Comores ne joue pas son rôle qu’elle devrait faire pour aider les Comores et les comoriens. Elle mène une politique monétaire calquée et dictée par la Banque Centrale Européenne qui est une politique qui lutte uniquement contre l’inflation. La lutte contre l’inflation est surtout important pour des pays riches dont la population est à forte majorité des vieux et qui veulent conserver leurs niveaux de vie en protégeant la valeur de l’argent. Un pays jeune et pauvre , comme les Comores a besoin d’une politique monétaire qui associe la stabilité des prix et la politique de plein emploi en favorisant les crédits par la baisse de la banque centrale du taux directeur afin de faciliter les banques commerciales de prêter aux secteurs économiques, entreprises et particuliers. Mais aucun comorien, même le chef de l’Etat Azali Assoumani, et je ne parle pas du gouverneur qui n’est qu’un simple administrateur au sein de l’institution ne maitrise ou contrôle ni la politique monétaire de notre pays et ni la Banque Centrale. Cette dernière qui mène la politique monétaire de notre pays est dirigée par un conseil d’administration, article 49 des statuts de la Banque composé de huit personnes dont quatre français désigné par le gouvernement français. Nous sommes le seul pays au monde où la banque Centrale n’est pas dirigée par un gouverneur mais un conseil d’administration dont quatre des étrangers. Tant que cette situation perdure nous n’en sortirons jamais de cette misère économique et du sous-développement.
La Banque centrale répond-elle aux attentes des Comoriens ?
La Banque centrale est le pilier de la politique économique et elle pilote la politique monétaire de notre pays. Elle peut aider le peuple comorien et cela des plusieurs manières à supporter la crise économique et social liée au covid-19. Les Banques Centrales du monde entier se sont portées secours à leurs pays, en usant tous les moyens qu’ils disposent y compris la fameuse planche à billet. Pour que la Banque Centrale des Comores répondent aux besoins des comoriens nous devons rapidement discuter avec la France, propriétaire de la monnaie et de la banque centrale afin de suspendre certains articles des statuts de la Banque dont l’article 4 et surtout l’article 22 Alinéa 2 qui limite le concours de la Banque Centrale à l’Etat comorien à la hauteur de 20% « de la moyenne annuelle des recettes ordinaires de l’Union des Comores effectivement collectées au cours de trois exercices budgétaires précédents ». Il faudra aussi suspendre l’article 43 , 48 et 49 qui donnent au conseil d’administration des pleins pouvoirs pour l’avenir des Comores et la gestion de la monnaie comorienne dont personne ne connait ni leurs noms ni leurs visages. Rappelons que le conseil d’administration fonctionne par délibération à majorité absolue. Dans cette période de crise où chaque minute compte, la manière dont notre dite banque centrale est dirigée n’est conforme au règle standard communément accepté dans les différentes banques centrales du monde et elle a une conduite d’administration qui est très lente et complexe et déconnecté de la réalité comorienne.
Comment faire pour accroître l’économie Comorienne ?
Le développement de notre économie commence d’abord par la maitrise de notre monnaie. Toute politique économique implique une politique monétaire et une politique budgétaire. L’une ne peut pas mieux fonctionner sans l’autre. Notre pays, qui est déjà pauvre, est amputé de la politique monétaire. Cela nous empêche d’avoir une politique monétaire qui lutte contre l’inflation et qui crée l’emploi en facilitant l’accès aux crédits pour les acteurs économiques. Le chef de l’Etat a lancé l’idée de l’émergence avec les grands travaux routiers, hôtelière et de l’hôpital mais sans le soutien de notre banque centrale qui aurait dû être le pivot de ces travaux. On ne peut se pas se contenter de la politique budgétaire pour mener des travaux. Par ailleurs, en pleine crise lié au Covid-19, tout le pays se plie à lui-même en comptant sur la Banque centrale pour aider son peuple et sauver les secteurs économiques et privés, nous, on entend d’abord qu’on nous aide pour pouvoir aider. Le peuple comorien est laissé à lui-même et parfois victime de notre inaction voir de notre incompétence. Nous ne pouvons continuer à laisser l’avenir des Comores et des comoriens qui est fortement lié à la monnaie et à la politique monétaire entre les mains de la banque centrale européenne qui ne se soucie jamais de nous.
Quelles mesures à mettre en place pour lutter contre tout impact économique dans cette période de crise sanitaire ?
Dans cette crise, qui a touché toute la couche sociale, le rôle de l’Etat est déterminant. Les différentes secteurs économiques ont été impactés, surtout les secteurs touristiques. Quelques mesures ne suffiront pas à sauver les secteurs économiques. Il faudra que l’Etat s’asseye avec les différents secteurs économiques et les différentes banques commerciales appuyés par la Banque centrale pour plancher ensemble afin de trouver une solution adaptée qui pourront sauver l’économie des Comores.
Recueillis par KDBA
Une réponse à SAid Ahmed Said Abdillah : « La banque centrale des Comores ne joue pas son rôle »