ALFAJR QUOTIDIEN – Journal d'information quotidien comorien

Said Ahmed Said Abdillah : « Le secteur touristique est à terre et il a besoin d’un soutien financier de l’Etat »

Touché par la crise sanitaire, l secteur du tourisme est sous l’eau. Dans cet entretien, Said Ahmed Said Abdillah appelle à un soutien financier de l’Etat pour redresser le secteur touristique.

 

Quel rôle peut jouer le secteur bancaire en cette période de crise sanitaire ?

 Le secteur bancaire est le pilier du développement économique et social d’un pays. Pour lutter contre le chômage, pour développer et créer des entreprises, pour soutenir la survie quotidienne, on a besoin de la banque. Malheureusement chez nous, le secteur bancaire ne joue pas le rôle qu’elle tient dans d’autres pays, comme l’île Maurice, Madagascar, Seychelles et je ne parle pas des pays développés, comme l’Angleterre, la zone euro ou les pays asiatiques. Quand on parle de ce secteur bancaire, qui ne soutient pas l’économie de notre pays, certains responsables ou institutions crient en bradant des mots pour faire peur  au vent, peut-être, sans donner des réponses concrètes. On ne peut plus se contenter d’être accusé d’ignorant ou d’ « expert à tout » afin de nous ridiculiser et nous intimider. Le temps de l’intimidation est révolu et on veut savoir l’utilité d’une institution importante comme la banque centrale dans notre pays. On veut du concret et des chiffres et non des discours. Je cite un exemple l’ile Maurice, la banque centrale a apporté au gouvernement Mauricien 60 milliards de roupies et la Banque Centrale Européenne 1000 milliards d’euros. Combien notre banque centrale a donné à notre gouvernement pour soutenir le secteur économique, entreprises et ménages ? Nous connaissons une voiture qui roule et celle qui est à l’arrêt même si le moteur fait des bruits. Notre secteur bancaire, surtout, disons le clairement, notre banque centrale ne joue pas son rôle pour soutenir les secteurs économiques de notre pays. Quand on parle des secteurs économiques, rappelons-le à nos experts banquiers centraux, il s’agit des entreprises et des ménages. L’aide  si on peut parler d’aide que la banque centrale prétend en avoir donné et on ne va pas s’étaler ici, est un leurre. Diminuer le taux de garantit bancaire dès 15 à 10%, permet, a permis aux banques commerciales de gagner 5 milliards de liquidités de plus certes aux banques commerciales d’avoir plus de liquidité qui n’a aucun impact direct sur l’accès aux crédits. Les problèmes aux Comores ne sont pas liés à la masse monétaire circulant mais aux conditions d’accès aux crédits et aux taux à deux chiffres où on sait dans la plupart des pays développés y compris la zone euro ils s’approchent du zéro. Il aurait fallu à la banque centrale des Comores de baiser son taux directeur comme les font les autres banques centrales du monde entier afin de stimuler l’accès aux crédits. Pour ceux d’allègement ou échelonnement des délais des paiements des crédits, ceux-ci ne concernent que les entreprises. Or la plupart des ménages comoriens ont des crédits hypothécaires et autres auprès des banques. Ils ont été sacrifiés ou oubliés, par les « experts des banquiers centraux » comme si ils ne sont pas touchés par cette crise de covid-19.

Le secteur bancaire se prépare-t-il de l’après crise selon vous ?

On ne peut pas parler de l’après-crise car on y est encore et on ne sait pas jusqu’à quand. Le secteur bancaire, qui est rudimentaire par rapport à la population comorienne est très fragile. Nous sommes le pays qui a un taux de bancarisation le plus faible de l’océan indien, voire de l’Afrique. Or si nous prenons au sérieux, la volonté du chef de l’Etat de vouloir mettre le pays au niveau des pays émergents d’ici 2030, c’est-à-dire dans dix ans, nous devons nous réveiller et revoir notre politique monétaire et revoir les accords de coopérations monétaires avec la France afin que nous ayons la maitrise de notre monnaie. Nous ne pouvons pas nous développer sans avoir la maitrise de la politique monétaire. Il ne peut pas y avoir d’émergence sans une politique de plein emploi. Et quand, on nous parle des accords monétaires qui ont fait leur temps et que l’Afrique de l’Ouest a montré l’exemple en y mettant fin. Nous devons suivre ce qui marche et arrêtons de se contenter d’avoir des momies en or. Cet accord de coopération signé en 1978 n’a pas apporté grand-chose pour le développement économique de notre pays sinon on l’aura su et l’île.

Le secteur d’hôtellerie et restauration est touché par la crise en Union des Comores. Que proposez-vous pour sauver ce secteur ?

 Le secteur touristique est le premier à être touché par la crise sanitaire. On le redit, quitte à énerver certaines têtes bien faites, le monde entier s’est mobilisé pour défendre leur économie, plus particulièrement le secteur touristique. Mais chez nous, pour l’instant on a entendu le rallongement des délais des déclarations fiscales. Le secteur touristique est à terre et il a besoin d’un soutien financier de l’Etat , tant pour soutenir le maintien de l’emploi en aidant aux salaires et la survie de l’entreprise en soutenant les locataires à payer leurs loyers comme font la France. La France, par exemple a mis 18 milliards d’euros pour soutenir le secteur touristique, nous aurons aimé combien de francs notre gouvernement est disposé à soutenir le secteur touristique.

Votre dernier mot ?

 Je voudrai rappeler à nos dirigeants quel que soit leur domaine des compétences que les Comores et les Comoriens ont changé. Aujourd’hui, les Comoriens n’acceptent plus le discours intimidant qui les comprennent comme des ignorants dans le domaine économique et monétaire. Les Comoriens savent ce qui marchent et qui ne marchent pas. Les Comores savent que la banque centrale des Comores n’a jamais parlé d’une politique économique en faveur du plein emploi, ni la baisse du taux directeur pour favoriser les crédits auprès des entreprises et des créateurs d’entreprises et les ménages. Ils n’ont pas besoin d’être des énarques pour voir ce qui ne marche pas en voyant ce qui se passe juste à côté à l’île Maurice. Le monde est devenu un village planétaire et le borgne ne peut plus être roi.

Recueillis par KDBA          

 

 

 

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