Il ne sert à rien de présenter chaque fin d’année civile « les discours des bilans globalement positifs » pour masquer l’échec du régime politique au pouvoir, quand le peuple s’enfonce chaque jour d’un pas dans la misère. Cette thérapeutique crée autant de déboires que de désinvoltures dans les masses populaires, confrontées à la dégradation croissante de leurs conditions de vie quotidiennes.
C’est pourquoi l’écrivain et diplomate Congolais HENRI Lopes écrit dans son livre « le pleurer- Rire » aux éditions présences africaines : « lui ou un autre, pour nous, c’était toujours la même vie. Hier, nos misères provenaient du colon (l’Homme Blanc) qu’il fallait chasser pour que le bonheur vienne. Aujourd’hui, les oncles sont partis et la misère est toujours là. Qui donc faut-il chasser ? »
Notre pays a besoin de l’énergie de tous ses enfants, ainsi que du concours de toutes les bonnes volontés extérieures. Il s’agit de remuer ces énergies et bonnes volontés pour susciter leur apport intense à l’œuvre d’édification nationale. De même le combat contre la misère ne peut souffrir d’aucun monopole, de même ce noble combat répugne les excès de faux semblants et les élans d’auto- satisfaction d’apparence, dont la rhétorique provoque plus de sentiment de révolte que d’apaisement dans la population.
Ceci étant, après quarante quatre ans d’Indépendance, la voie qui mène au développement n’est toujours pas claire. Loin de s’améliorer, les faits dénoncés ont au contraire connu une aggravation déconcertante, qui a précipité notre pays au fond du gouffre. Selon les raisons suivantes :
Une administration moribonde.
Nous savons tous que dans la majorité des bureaux administratifs jusque dans les services centraux des différents Ministères, règne un tel laisser-aller et une telle anarchie que les esprits les moins avertis et les moins conscients s’alarment et s’inquiètent vivement de l’avenir de notre fonction publique. Le sens de la discipline, de la subordination et de la hiérarchie qui, autrefois, marquait du plus noble cachet les fonctionnaires comoriens s’émousse chaque jour depuis longtemps déjà.
Il a donné place à l’insolence ( c’est notre pouvoir à nous) à l’incorrection, à la désobéissance. Et l’efficacité ainsi que le prestige de l’administration s’en ressentent profondément depuis notre indépendance. Rares sont devenus les fonctionnaires qui consacrent tout le temps réglementaire dans leur service : Les sorties de bureau, les retards non motivés et les absences irréguliers sont monnaie courante ; le Zele et le dévouement sont devenus des notions abstraites…
Dans bien des cas le travail est hâtivement et par conséquent mal fait, car les fonctionnaires n’apportent plus à l’exécution du service, l’enthousiasme et le souci de perfection qui caractérisent la mission dont ils sont chargés.
C’est pourquoi, dès à présent, nous devons tous corriger notre façon de travailler si nous voulons que le cinquantième anniversaire de notre indépendance, soit différent des autres années précédentes.
L’Union des Comores a besoin d’une administration saine et efficace , besoin de compétences effectives de chaque citoyen responsable dans son domaine de compétence et d’activité.
Deuxième (2ème) facteur qui explique, pourquoi notre pays ne décolle pas, malgré les quatre décennies d’indépendance c’est la corruption. Elle est entrée dans les mœurs après l’indépendance et se pratique désormais librement dans la vie courante, à différents niveaux et dans tous les domaines des services publics.
Si les pays industrialisés n’ont pas encore réussi à éliminer complètement ce fléau de leur société, celui-ci est néanmoins considéré comme des cas sociaux rares, dont les autres une fois démasqués sont traduits et poursuivis sans complaisance en justice. Aux Comores, c’est plutôt le contraire : la personne reconnue coupable d’une affaire de corruption est tolérée par le système politique d’une manière ou d’une autre.
Cependant, nous devons désormais, tourner la page, en fixant de nouveaux objectifs d’ici 2025. Cette étape est la seule voie de passage obligée, pour pouvoir donner de bonnes leçons de développement à notre pays et faire la fierté de nos enfants pour un lendemain meilleur. Les Comoriens y parviendront-ils plus volontairement cette fois ? Il leur suffit seulement de se convertir en profondeur, et d’adopter d’autres méthodes tactiques que celle pratiquées depuis quarante cinq ans d’Indépendance, afin de gagner un pari qui, somme toute, n’est que trop à la portée de leurs moyens potentiels sous- estimés et mal exploités. D’ici là, les engagement politiques les plus solennels souscrits par nos différents dirigeants, n’ont plus aucune signification aux yeux de la population dès lors que sa misère reste la même.
En effet, je le répète, je l’avais écrit à maintes reprises : aucune connaissance n’est héréditaire. Depuis 1975, les comoriens pouvaient beaucoup faire. Il ne leur a manqué que le fonds culturel essentiel, plus prospère à nul autre, une vraie volonté de changement. Nietzshe dans le gai savoir a écrit : « le malheur de l’homme est d’avoir été enfant. » Ainsi, le comorien doit savoir s’il entend demeurer éternellement bon enfant, ou bien transcender son adolescence et léguer à son enfant l’héritage culturel qu’il mérite ?
En conclusion disons que l’Union des Comores n’est ni hantée par une quelconque malédiction ni condamnée à sombrer dans une certaine fatalité naturelle. Il lui suffit de retrouver ses vielles valeurs perdues pour se réconcilier avec elle-même, œuvrer pour le progrès et apporter sa part de contribution authentique à l’Histoire et à la civilisation de l’Universel ; ce que Léopold Sédar SENGHOR appelle le « rendez – vous du donner et de recevoir ». 2025, c’est déjà demain, alors, mettons-nous au travail, le monde nous observe. L’erreur ne sera plus tolérable Que Dieu bénisse les Comores.
Dr Djaffar MMADI, Universitaire, Ancien Ministre