ALFAJR QUOTIDIEN – Journal d'information quotidien comorien

Projet Facilité Emploi : Une idée formidable qu’il faut éviter de gâcher

Le 25 juillet dernier, les autorités comoriennes, en partenariat avec l’agence française de développement (AFD), ont lancé officiellement le programme Facilité Emploi financé par cette dernière à hauteur de 4 millions d’euros, soit 2 milliards de francs comoriens.

Selon le président Azali, ce projet vise à  » apporter des réponses concrètes, pertinentes et supplémentaires aux défis de l’emploi des jeunes et du développement  rural ».

Il a par ailleurs précisé les secteurs retenus pour ce dispositif : « L’Agriculture, l’élevage et l’agroalimentaire, la pêche et la transformation des produits halieutiques, l’écotourisme, la culture et la restauration, les services en milieu rural et l’environnement ».

Il est important de rappeler que lors de la campagne en vue de son élection en 2016, M. Azali avait promis un emploi à chaque jeune comorien. Il s’agit donc d’un premier pas concret, quatre ans après son entrée en fonction.

L’initiative est tout à fait louable, elle présente de vraies perspectives à la fois pour les populations cibles et pour les filières retenues.

Car si la jeunesse est le meilleur allié pour l’avenir du pays, elle peut aussi devenir son pire ennemi si elle ne trouve pas du sens à son existence, à savoir un travail décent. Idem pour les femmes, également plus touchées par le chômage de masse. Et selon les dernières estimations, le taux de chômage de jeunes de moins de 25 ans représente 45,5%. Soit 4 fois plus que les adultes. A préciser que ces statistiques ne tiennent pas compte des emplois précaires ni du sous-emploi, notamment dans le secteur informel.

Il reste à savoir comment ce projet va être décliné concrètement sur le terrain. Car la réussite en dépendra largement. Il ne faut pas que le bureau du projet soit transformé en guichet de banque où les proches du régime et les « fils de… » viennent retirer les fonds sous différentes couvertures.

Quant aux secteurs retenus, ils semblent très pertinents, notamment l’agriculture, la pêche et l’agroalimentaire. Ils constituent la clé de l’autosuffisance alimentaire de plusieurs pays. C’est ce qui a permis, par exemple, à la Chine de disposer d’une autosuffisance alimentaire à 100% depuis quelques décennies. Elle est au cœur de plusieurs politiques de développement en Afrique depuis la fin des années 1990. En 2013, un rapport de la Banque mondiale a souscrit à l’approche selon laquelle « le secteur agricole est le plus gros employeur de l’Afrique avec un potentiel d’absorption de millions de demandeurs d’emplois ». Cela peut être vrai en Union des Comores si toutes les dispositions sont prises en matière d’investissement dans les zones rurales et de formation aux métiers de la terre.

Certes il y a une perception négative de l’agriculture et de la pêche par les jeunes, mais cela peut rapidement changer si les secteurs sont dynamisés et rendus attractifs par l’amélioration des conditions de travail et de rémunération.

La question maintenant est de savoir si ce projet va réellement dans ce sens, ou va-t-il reproduire les erreurs du passé pour finalement arriver aux mêmes résultats.

On peut, en tout cas, se mettre à parier que si l’on met l’accent sur la formation des jeunes aux différents métiers des secteurs ciblés et la création de Petites et moyennes entreprises agricoles ou agroalimentaires, on ne serait pas déçus à la fin.

Il faut surtout rapprocher les zones agricoles des localités riveraines par les investissements de base: ponts, routes et points d’eau notamment.

Il faut éviter les méthodes importées qui ne marchent pas en Afrique, car trop déconnectées des réalités sociales des pays concernés. Enfin, il est impératif d’adopter les règles de transparence dans la gestion de ce programme pour éviter les dilapidations, le favoritisme et les détournements qui constituent les obstacles majeurs du développement du pays. Ce qui jusqu’à présent ne semble pas être le cas. Le peu de communication sur le projet jusqu’à présent, la présélection presque en catimini des organisations de la société civile (OSC), le flou sur le profil des bénéficiaires, tout cela mérite d’être clarifié rapidement pour éviter que cette meilleure idée soit gâchée, et empêcher le monde entier de croire qu’on est gouverné par des « sous doués ».

Ali Mmadi, Journaliste et juriste de formation

 

 

 

 

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