ALFAJR QUOTIDIEN – Journal d'information quotidien comorien

Said Ahmed Said Abdillah : « Il aurait fallu former un gouvernement d’hommes et de femmes compétents »

La formation du nouveau gouvernement fait parler. Le président du parti Comores Alternatives, lequel fait partie des partis de la mouvance présidentielle a répondu à nos questions et apporte son point de vue par rapport à ce nouveau gouvernement.

Que pensez-vous du nouveau gouvernement nommé jeudi dernier ?

Permettez-moi de souhaiter, en tant que membre de la mouvance présidentielle, du G10 et président du parti Comores Alternatives (PCA), bonne chance au nouveau gouvernement et plein de succès dans leurs missions qu’ont été confié par le chef de l’Etat. Ce changement des membres du gouvernement a été très attendu par la classe politique comorienne – de la mouvance présidentielle et de l’opposition et aussi par la population pour au- moins trois raisons : – La première est liée à la durée de certains membres du gouvernement, plus de cinq ans, sans que le peuple ressente un changement positif dans leurs quotidiens en particulier et dans le pays en général. On peut toujours dire qu’il y a la crise liée à la covid 19, apparu il y a deux ans. Mais ce prétexte ne suffit pas à convaincre le peuple qui en souffre chaque jour et ses enfants meurent en mer pas seulement en tentant de fuir la misère en essayant d’aller vers le mirage de bonheur de Mayotte mais aussi dans d’autres océans pour joindre l’Europe. – La deuxième est qu’il y a une crise politique qui pourrit l’image de notre pays et que ce gouvernement n’a pas pu juguler ni maitriser. Au Contraire la crise politique s’est aggravée à une crise socio-économique, de pénurie des produits alimentaires, – même le riz d’Onicor est devenu denrée rare – des produits carnés et j’en passe. Il y a eu aussi cette pénurie des carburants et pire encore pas d’électricité dans la capitale fédérale pendant plus de 48 heures. Ces différentes crises cumulées, lesquelles les Comores n’ont jamais connu, ont réveillé la conscience du peuple et ce dernier craint le pire. Le peuple commença à se demander où va son pays et qui gouverne réellement le pays et qui est responsable ? Le chef de l’Etat ne peut trouver le responsable de ces crises que le gouvernement en place et cela est souvent le cas normal partout. – La troisième est la nécessité pour le chef de l’Etat de trouver des hommes et des femmes compétents et capables d’abord de trouver des solutions à la crise socio-économique et politique de notre pays et ensuite faire le nécessaire de mettre le pays sur la voie de l’émergence. Nous saluons ce changement amorcé par le chef de l’Etat, même si nous aurions aimé qu’il aille un peu plus en profondeur. En effet, prenant connaissance de la liste du nouveau gouvernement, sans mettre en cause les compétences de ses membres, je crains que le président Azali Assoumani minimise l’ampleur de la crise qui frappe notre pays. Ou, on lui fait croire que tout va bien, comme le fait de lui transmettre un rapport faisant croire qu’en 2020, en pleine crise de covid 19 où la plupart des pays voisins et autres en soutenant leurs économies nationales financièrement ont été en récession – c’est-à-dire croissance économique négative, notre pays a fait une exception à la règle mondiale en ayant une croissance positive même proche du zéro et de surcroit en 2021, on fera 1.5% . L’année 2020 est marquée par l’arrêt de l’économie nationale et mondiale, liée à la crise de la covid 19. Nous pensons que le meilleur moyen d’aider notre pays, à travers le chef de l’Etat, est de lui dire la réalité afin d’y trouver des meilleures solutions au lieu de lui faire rêver. Or nous soutenons aussi le pouvoir du président Azali mais un soutien n’est jamais synonyme d’adoration qui s’accomplit sans réserve ni critique ou objection. Le soutien, par contre, doit être ferme, sincère et franc en disant ce qui marche et peut marcher pour l’intérêt de notre nation et de dire ce que ne favorise ni le pays ni la population comorienne. Notre unique objectif est de servir notre pays, à travers le pays le chef de l’Etat qui dirige notre pays aujourd’hui. Ma crainte est due au fait que le nouveau gouvernement est juste composé des anciens et la promotion des certains collaborateurs directs des ministres sortants dont certains ont eu à traiter avec eux directement En plus de la promotion de certaines personnes de leurs propres ministères, il y a eu le renforcement au sein du pouvoir des membres du parti du président, le CRC et certains individus partis dont l’avenir de leurs partis politiques est d’être avalé par le CRC. Pour résoudre la crise politico-social et économique, il aurait fallu, former un gouvernement des hommes et des femmes compétents et d’ouverture jusqu’au sein de l’opposition républicaine – qui reconnait Azali Assoumani comme président de l’Union des Comores. Un gouvernement qui aurait pour charge de mettre fin rapidement à la crise politique, sociale et économique. Il aurait le rôle d’apaiser la crise sociale, et redorer l’image de notre pays au niveau nationale et internationale afin d’attirer les investisseurs étrangers surtout après la conférence de Paris.

Comment expliquez –vous l’absence de G10 dans ce gouvernement ?

Je pense que vous pourrez un jour poser la question au bureau exécutif du G10, c’est l’unique organe qui peut s’exprimer à son nom ou au chef de l’Etat, Azali Assoumani. Je ne peux que parler au nom de moi- même et de notre parti politique, Comores Alternatives dont j’ai la direction pour le moment.

Le Chef de l’Etat a reçu l’ancien président Tanzanien, Kikwete, dans son palais présidentiel, comment comprenez –vous cette rencontre ?

 J’ai appris comme vous la venue de l’ancien président Tanzanien Jakaya Mrisho Kikwete, qui a dirigé son pays dès décembre 2005 à novembre 2015. Avant de devenir président de la République de la Tanzanie, il a été pendant dix ans ministres des affaires étrangères de son pays. C’est, donc, un diplomate chevronné et habitué à intervenir en Afrique pour résoudre certaines crises politiques. On nous a fait comprendre qu’il est venu avec une lettre de la présidente Tanzanienne, Mme Samia Suluhu Hassani. Je n’ai pas eu connaissance de la teneur de la lettre. C’est un connaisseur de notre pays et qui nous a aidé pour la libération d’Anjouan et je suis convaincu que la teneur de la lettre a une très grande importance pour notre pays et la Tanzanie pour qu’il se donne la peine de l’emmener. Je suis persuadé également qu’il est venu, pas seulement pour la lettre mais aussi prendre le pouls de notre situation politique, économique et social. J’ai été surpris qu’il n’ait pas demandé ou sollicité l’autorisation à visiter l’ancien président Mohamed Ahmed Abdallah Sambi.

Des Franco-comoriens sont actuellement aux Comores contre la vie chère et la politique du président Azali. Qu’en dites-vous ?

 Je ne suis pas contre la manifestation de certaines personnes qui n’apprécient pas l’évolution de leur quotidien ou la façon dont notre pays est dirigé. C’est la démocratie et la liberté de s’exprimer et de manifester. C’est leur droit le plus absolu. Toutefois, il y a manifesté et créer des désordres au sein du pays, dans ces derniers cas les autorités publiques ont aussi le droit de protéger la sécurité du pays et du peuple s’ils craignent que leurs manifestations peuvent dégénérer à des troubles.

 Le Gouverneur de la Banque centrale a annoncé une croissance positive de 0,2 % en 2020 : qu’en pensez –vous de cette croissance économique ?

J’ai été un peu surpris de cette annonce de croissance positive même proche de zéro. J’aurais aimé que cela soit vrai mais ici on parle de l’économie, de la vie des Comoriens de chaque jour. J’ai été étonné pour plusieurs raisons dont je vous citerai au moins trois : – La première les Comores ne sont pas encore sorties de la crise liée au cyclone Kenneth, qui a beaucoup impacté notre économie nationale. Après le Cyclone Kenneth, on est entré dans la crise mondiale de la pandémie de covid 19. La crise de covid 19 a obligé les autorités nationales à instaurer un couvre-feu à partir de 19 h00 et l’interdiction des activités festives comme les grands mariages et même les fermetures des mosquées et autres. Or la croissance économique de notre pays est tirée, entre autres, par le transfert d’argent de la diaspora, – qui vienne pour réaliser les grands mariages et les constructions des maisons afin d’installer les nouveaux mariés. On parle de 2020, où même les frontières ont été fermées et que nos entreprises privées et publiques ont souffert. L’Etat a soutenu uniquement quelques entreprises publiques. Les pénuries d’aujourd’hui sont les conséquences de l’impact de la crise de covid 19, qui ont mis presque en faillite certaines entreprises faute de soutien de l’Etat. – La deuxième est la situation de notre pays, qui dépend à plus de 90 % de l’importation. Nous n’avons pas des entreprises nationales des productions en masses des produits alimentaires ou autres. Or au début de la crise, la plupart des pays, ayant peur du virus, ont fermé leurs frontières aériennes et maritimes y compris les Comores. – La troisième, en lisant le rapport de la Banque Centrale dite des Comores, je trouve que leurs affirmations pour affirmer ces prévisions sont un peu légères.

La banque centrale prévoit une croissance de 1,5% en 2021. Selon vous cela est-il possible ?

Il faudra, d’abord savoir que tout le chiffre – sur l’inflation et la croissance économique de notre pays – donné par la Banque centrale dite des Comores, est une projection prise sur base d’échantillon très réduit, souvent basé à Moroni, de la population comorienne. Mais je me demande comment peut –on prévoir une croissance de 1,5 %, pour2021, or on est au mois d’Aout et que le pays, dès le début de mois de janvier, passe d’une pénurie d’un produit à un autre, jusqu’ à celle des carburants sans oublier l’impact de la covid 19 et les contraintes qui y sont liés. On a l’impression que ceux qui nous donnent ces chiffres manquent beaucoup de cohérence dans ce qu’ils annoncent. Parler de croissance, il faudra d’abord qu’il y ait une production, c’est-à-dire qu’il y a eu des activités génératrices de revenue de longue durée, trois mois au moins ou une année dans notre pays. Or pour l’instant nous vaguons dans un pays en pleine crise socio-économique et plombé par la pénurie des denrées alimentaires et carnées. La réalité le pays va très mal et l’économie en premier et on le vit tout le jour. On n’a pas besoin d’être un banquier central pour le voir et le sentir. Il ne faut pas oublier que même au niveau des banques, elles ont subi des crises graves, quasi faillite, tels que la BDC et le BFC, et la BIC qui a été vendu sans que nous ayons, -je parle de l’Etat Comorien- une part majoritaire comme cela se fait dans d’autres cieux.

Votre mot sur les crises répétitives des produits alimentaires et carnés.

La plupart des grandes distributions et opérateurs économiques comoriens ont été touchés par la crise de covid 19. On voit aujourd’hui les symptômes par les pénuries des produits alimentaires et carnés. Il faudra que l’Etat, par le biais de la banque centrale ou de nos partenaires internationaux, les aide financièrement afin qu’ils puissent payer leurs dettes auprès de leurs fournisseurs étrangers et nationaux. En les aidants, ce sont des entreprises qu’on sauve avec leurs employés et leurs clients. S’ils n’obtiennent pas d’aide financière, il y aura beaucoup qui seront en faillite. C’est l’un des rôles de l’Etat d’aider les entrepreneurs à s’en sortir. Il ne s’agit pas ici d’aider Doudou ou Said Wadaane ou autres patrons Comoriens mais l’entrepreneur afin qu’l ne tombe pas en faillite. L’Etat doit aider voire fabriquer des riches dans nos pays et c’est l’un de ses rôles fondamentaux. On peut toujours faire des discours rassurants et des chiffres fantaisistes mais la réalité est têtue. Elle finit toujours par s’exploser devant nous.

Propos recueillis par KDBA

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