ALFAJR QUOTIDIEN – Journal d'information quotidien comorien

Tribune : Le viol des femmes et des enfants ça suffit

« Toute injustice, où qu’elle se produise, est une menace pour la justice partout ailleurs. » déclare Martin lutter King. Autant d’ajouter avec moins de talent : également une menace pour la paix intérieur et internationale.

Depuis quelques temps, l’acte de viol est devenu un acte banal à tel point que les victimes (filles et garçons) n’osent même pas en parler, dénoncer ce crime ! C’est l’indifférence : c’est bien le mot qui résume la triste réalité. Saura-t-on jamais la pardonner quand l’irréparable sesera déjà produit ? « Je crains que cette étrange douceur qui pardonne si aisément le mal fait aux autres ne soit une forme médicamenteuse de l’indifférence », écrit l’Académisions français André Frossard.

Désormais, nous savons tous, qu’il ne se passe une journée, sans qu’une femme ou un enfant soit violé quelque part sur l’étenduedu territoire national. Ces viols sont devenus répétitifs à tel point qu’on se demande si nous ne sommes pas tous, responsables de ce qui arrive à notre pays ! Les pressions villageoises, les solidarités familiales ou professionnelle, les affinités sociales et les complicités d’intérêts qui émoussent les consciences des uns, des autres et qui conduisent à la partialité, à l’injustice, au silence complice, concerne pratiquement toute la sociétécomorienne. Il y a donc aux Comores, un phénomène social trèssérieuxnotamment le viol des femmes et des enfants que nous devronstous tenter d’apporter d’éléments de réponses. Je ne suis pas de ceux qui pensent quesi les viols se multiplient c’est parce que la justice est faible ou elle est lente. Sans jeter des bouquets de fleur à notre appareil judiciaire, j’estime qu’il faut rechercher ailleurs les vrais raisons d’un tel constat dramatique. Certes, si l’abus d’un médecin, d’un enseignant ou de tout autre agent de l’Etat n’engage que sa conscience et sa responsabilité personnelle vis-à-vis de la Nation, la forfaiture d’un magistrat, par contre, engage la responsabilité collective de la Nation. C’est au nom du peuple que la justice est rendue. Celle-ci ne devrait donc jamais faillir à sa mission.

Bien sûr ici et là, on entend dire dans les rues de Moroni que notre justice est lente en ce qui concerne les actes de viol ; Elle se distingue par trop de renvois parfois mêmeaux calendes grecques. Les détentionspréventives sont trop longues et dans certains cas, manifestement abusives. Toutefois, précisons que : protéger les citoyens, prévenir les crimes et les délits, rechercher les malfaiteurs et réunirles preuves de leurs forfaits, ne sont pas des tâches faciles dans un pays comme le nôtre ; la justice ne saurait être l’affaire des seuls magistrats, de la police, de la gendarmerie tout court. Raison pour laquelle, nous devons tous nous mobiliser et poser les vraies questions. Pourquoi le viol a pris une telle ampleur dans notre pays pendant ces derniers temps ? Pourquoi la population préfère souvent garder silence à l’égard de tel violeur, tel malfaiteur, surtout quand il s’agit d’un enseignant de théologie musulmane ? Il est généralementadmis dans nos villes et villages qu’une partie de la criminalité échappe aux forces de maintien de l’ordre en raison de l’indifférence, de la complaisance, ou bien de la complicité d’une partie de notre population envers certains malfaiteurs pour préserver « l’honneur de telle ou telle communauté villageoise. »

Toutefois, nous savons que le but avoué de la justice dans les actes liés au viol des femmes et des enfants, est d’obtenir la vérité plutôt qu’un arrangement ou une paix sociale. Or, chez nous, souvent les notables dans nos villages, nos villes et dans nos différentesrégions, tentent de jouer l’apaisement : le violeur au lieu d’être jugé au palais de justice, bénéficie parfois d’une certaine complicité traditionnelle et l’affaire est classée sans suite ; quelques jours après, il recommencera…

Dois-je rappeler aux uns et aux autres qu’en France au XIIIèmesiècle, la création du parlement de PARIS, principale cour de justice du royaume, et l’extension de la procédureinquisitoire  aux différentes villes du royaume au cours des XIVèmesiècles favorisent la pratique d’une justice objective rationnelle, une bonne justice qui recherche la vérité et non l’apaisement entre violeur et violée.

A l’époque, les praticiens comme les théoriciens, juristes ou théologiens, refusent à ce que des crimes, des actes de viols, soient tolérés ou arrangés entre les deux parties.

Cependant, la haine, la colère, l’orgueil, l’honneur, l’ambition, la cruauté sont autant de mobiles qui peuvent fausser le jugement et il convient que le juge doit prononcer la loi. Cette loi ne doit pas être transgressée sous peine de transformer le juge en une autre personne.

C’est pourquoi, la loi doit êtrerévisée une fois pour toutes et les coupables doivent être traduits aux assises.

 

Professeur Djaffar MMADI

Universitaire, ancien Ministre

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