ALFAJR QUOTIDIEN – Journal d'information quotidien comorien

Antuf Chaharane : « Notre grandeur est à l’image de la grandeur de notre vision »

Antuf Chaharane alias Jack Latout, juriste de formation et militant de l’ancien président Ali Soilihi a publié son premier livre politique intitulé « Ufwakuzi ». Le livre parle de solutions concrètes pour sortir le pays du fatalisme du sous-développement. Selon l’auteur, l’esprit du Ufwakuzi ce n’est pas voler ou exproprier les biens des gens. C’est plutôt arracher ce qui nous revient de droits, c’est-à-dire la prospérité, la santé, l’état de droit, le droit à l’éducation, le progrès technique.

Vous avez publié votre premier livre. Qu’est-ce qui vous a inspiré à rédiger et publier un ouvrage ?

Depuis 2005, j’avais l’idée d’écrire un livre sur les Comores, mais je n’étais pas encore assez outillé intellectuellement pour écrire un livre à la hauteur de ce que je voulais. C’est à la fin de mes études de droit en 2012 que j’ai réellement pris conscience que j’étais en capacité de coucher sur papier des idées et des solutions concrètes. Mais la thèse que je défends à travers le livre était en gestation dans mes réflexions depuis 2014, elle a eu le temps de mûrir avant de rencontrer ma plume en fin 2019.  Mon objectif ce n’est pas d’écrire un livre, car je ne me considère pas comme un écrivain. Ce livre a un but purement politique. J’ai mis sur papier un chemin à emprunter, c’est une carte au trésor. Un plan extrêmement réfléchi.

« Ufwakuzi »,  pourquoi avez-vous choisi ce titre pour votre livre ?

Ufwakuzi, c’est une expression utilisée pendant la révolution soilihiste aux Comores. Étant soilihiste depuis mes 19 ans, cette expression habite non seulement ma vision philosophique de la vie, mais aussi ma conception de la politique. Le verbe ufwakuwa veut dire arracher, comme arracher son indépendance. L’esprit du Ufwakuzi ce n’est pas voler ou exproprier les biens des gens. C’est plutôt arracher ce qui nous revient de droits, c’est-à-dire la prospérité, la santé, l’état de droit, le droit à l’éducation, le progrès technique, etc. Mais pour cela, j’insiste sur le fait qu’il ne faut pas attendre qu’on nous octroi la prospérité en comptant sur les aides provenant des autres pays. En réalité la dépendance, c’est attendre, et l’indépendance, c’est prendre l’initiative. La dépendance est une culture, un comportement social et non une question de moyens matériels ou de compétences. Le terme Ufwakuzi et tous les mécanismes culturels politiques qui le sous-tendent doivent incarner l’action rigoureuse et ferme qui consiste à sortir notre pays de sa torpeur et à réveiller notre capacité à nous prendre en charge. J’ai repris l’expression Ufwakuzi et j’ai ajouté le 2.0 pour signifier que l’action d’arracher notre indépendance réelle doit correspondre aux exigences de notre temps, elle doit épouser non seulement les possibilités que nous offrent les nouvelles technologies, mais être à jour par rapport aux enjeux de de la géopolitique mondiale actuelle. 

De quoi parle-t-on dans le  livre ?

On y parle de remède, de solutions concrètes pour sortir le pays du fatalisme du sous-développement. Mais pour cela, je m’efforce d’expliquer les mécanismes historiques, politiques surtout psychosociaux qui freinent l’essor de notre civilisation. Oui, je parle de civilisation, car c’est à travers ce prisme que l’on doit considérer notre destin commun. Le mot développement n’est  pas assez ambitieux. Les termes renaissance et civilisation sont plus enthousiasmants, plus audacieux.

Ufwakuzi fait allusion à la philosophie politique de l’ancien président A. Soilih êtes-vous militant Soilihiste ?

Oui effectivement, mais sans être dans l’adoration aveugle du personnage. Je n’étais pas né à l’époque de la révolution comorienne, donc je ne suis pas non plus un nostalgique. Mais une personne qui se réapproprie ce qui fonctionne et par ce biais essaie d’innover. Comme l’a fait d’ailleurs Ali soilihi lui-même.

Avez-vous un message fort à véhiculer à travers cette œuvre ?

Je n’ai pas vraiment de message à faire passer, mais j’ai une méthode à proposer. Une méthode de gestion de la vie politique. Une Stratégie de développement qui fera des Comores en 5 ans minimum un pays accompli parce que ces citoyens auront été accompagnés de manière méthodique vers une autre manière de voir les choses, une autre manière de faire les choses. Le processus d’excellence que je soumets aux lecteurs, aux comoriens, c’est l’accompagnement des citoyens étapes par étapes jusqu’à qu’ils soient capables de faire des miracles. On a  depuis des siècles fait croire aux comoriens qu’ils sont un peuple impuissant. Moi aussi, je l’ai cru pendant une grande période de ma vie parce que j’ai été comme beaucoup de mes compatriotes éduquées à penser que mon pays était petit et insignifiant. Aujourd’hui, je me rends compte que ce ne sont pas les Comores qui sont petits, mais notre façon de le considérer. Cette prise de conscience a été une bonne nouvelle pour moi, car il a suffi que je change de manière de penser pour voir la grandeur de mon pays et tout son potentiel. Mon livre finalement s’il avait un message à véhiculer, il serait le suivant : notre grandeur est à l’image de la grandeur de notre vision.

Propos recueillis par Kamal Said Abdou

 

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