Il y a des silences qui crient plus fort que les discours, et des prières publiques qui trahissent une soif désespérée de légitimité. Aux Comores, pendant que le peuple s’enfonce dans la misère, Assoumani Azali multiplie les apparitions dans les mosquées comme s’il tentait de masquer l’effondrement du pays derrière des gestes pieux. Mais la foi ne peut servir d’armure contre la vérité. Et la vérité est brutale : les Comores souffrent, les Comores étouffent, et le régime en place en est le principal responsable.
Un pays à genoux
Aujourd’hui, le quotidien de milliers de Comoriens se résume à la survie. L’eau potable est un luxe. L’électricité est sporadique. Les structures de santé sont à l’abandon, et les écoles deviennent des espaces vides de sens, où l’éducation n’a plus les moyens de former, ni d’espérer. Rien ne fonctionne vraiment. Et pourtant, les institutions existent. Il y a bien un ministère de la Santé, un ministère de l’Éducation, un ministère de l’Énergie. Où sont les politiques publiques ? Où est l’action gouvernementale ? Le contraste est saisissant : pendant que les familles peinent à s’alimenter, que les enfants étudient à la lueur de bougies, les membres du gouvernement s’affichent dans leurs plus beaux habits, participent à des cérémonies inutiles, se pavanent comme s’ils dirigeaient une puissance florissante. Un gouvernement qui danse pendant que le peuple pleure : voilà ce qu’est devenu l’État comorien.
Une gouvernance de l’apparence et du mépris
Ce régime ne gouverne plus : il gère son image. Il ne dirige plus : il contrôle, réprime, écrase. L’amateurisme des dirigeants est flagrant. La majorité semble plus préoccupée par leurs privilèges que par leurs responsabilités. On dirait une bande d’étudiants en sortie nocturne, jouant à la politique sans mesurer la gravité des enjeux. L’immaturité et l’irresponsabilité règnent, rendant l’appareil d’État totalement dysfonctionnel. Il ne s’agit plus seulement d’incompétence. C’est un mépris profond envers la population. Un gouvernement digne de ce nom écoute, ajuste, corrige. Ici, on nie, on accuse, on réprime. On ne se remet jamais en question. On gouverne comme si le peuple était un ennemi.
Des forces de l’ordre devenues instruments de terreur
Les forces de l’ordre, qui devraient être au service de la nation, sont aujourd’hui les bras armés d’un pouvoir autoritaire. Elles ne protègent plus : elles menacent. Elles ne défendent plus : elles attaquent. Elles ne servent plus le peuple : elles servent le régime. Lorsqu’un citoyen lève la voix pour dénoncer l’injustice ou revendiquer ses droits, la réponse est souvent la matraque, la garde à vue, ou pire, l’intimidation silencieuse mais pesante. On a vu, dans plusieurs localités, des manifestations pacifiques réprimées violemment. Ce climat de peur est savamment entretenu pour dissuader toute résistance. Mais cette stratégie a ses limites. Car un peuple humilié trop longtemps finit toujours par se relever.
Un paysage médiatique verrouillé
L’autre pilier du pouvoir d’Azali, c’est le contrôle de l’information. Les médias indépendants ont quasiment disparu. Ceux qui tentent de faire leur travail honnêtement sont réduits au silence, intimidés, ou privés de toute ressource. Ce qu’on appelle « journalisme » aujourd’hui dans les médias publics ou proches du pouvoir, n’est bien souvent qu’un relais de propagande. On y vante les mérites du président et son fils, on y glorifie des projets invisibles, on y insulte à demi-mot ceux qui osent critiquer. Cette absence d’une presse libre est un drame pour la démocratie. Elle empêche le débat, étouffe les voix alternatives, et enferme le peuple dans un brouillard de mensonges et de manipulations. Pire encore : elle donne aux jeunes une image faussée de ce que doit être le journalisme. Résultat : une génération de pseudo-journalistes formés non pas à informer, mais à plaire. Non pas à questionner, mais à flatter. Non pas à servir le peuple, mais à servir le pouvoir.
Un peuple qui observe et endure… pour l’instant
Et pourtant, malgré tout cela, le peuple comorien reste digne. Il endure. Il s’adapte. Il résiste en silence. Mais ce silence n’est pas une acceptation. C’est une retenue. Une patience. Un avertissement. Car chaque jour qui passe aggrave la colère. Chaque injustice devient un carburant. Chaque humiliation devient une mémoire. Le pouvoir en place semble penser que tout peut s’acheter ou se réprimer. Mais l’histoire a montré que rien ne peut durablement étouffer un peuple qui réclame justice. Ce n’est pas seulement la légitimité d’Azali qui est en jeu. C’est l’avenir de tout un pays. C’est la confiance du peuple dans ses institutions. C’est la possibilité, ou non, pour les Comores, d’entrer dans une ère nouvelle celle du respect, de la transparence, et du progrès partagé. Car ce peuple mérite mieux. Il mérite un gouvernement qui sert, non qui parade. Une armée qui protège, non qui menace. Une presse qui éclaire, non qui flatte. Une république de droit, non une dynastie de privilèges.
Said Yassine Said Ahmed
Écrivain-journaliste
Auvergne-Rhône-Alpes.








