ALFAJR QUOTIDIEN – Journal d'information quotidien comorien

Cyclone Chido/Said Ahmed Said Abdillah : « Nous devons nous occuper de nos morts, de nos blessés et de nos sinistrés »

Quelques jours après le passage de Chido, Said Ahmed Ssaid Abdillah a présenté ses condoléances aux familles des victimes et aux Comoriens tout en manifestant son soutien aux sinistrés. Sur ce, il appelle à ne pas désespérer ni baisser les bras sur la question de Mayotte, car le monde est avec nous y compris des leaders politiques français

L’île comorienne de Mayotte a été frappée de plein fouet par Chido. Que diriez-vous par rapport à ce cyclone ?

Je transmets mes condoléances les plus attristées aux familles des victimes du cyclone Chido, et je partage la douleur de ceux qui sont blessés et qui ont perdu leurs biens. Ce cyclone a été annoncé avec son intensité par le service de la météo, mais le pouvoir d’occupation n’a pas fait le nécessaire – en prévention et en protection – pour réduire son impact tant humain et matériel.

Aujourd’hui, on ne sait pas combien de nos sœurs et frères comoriens de Mayotte ont perdu la vie. Il y a des spéculations qui vont jusqu’à 60000 voire 100000 morts. En revanche, il est certain que le nombre des morts n’est ni d’une trentaine ou juste d’une centaine comme voudrait le minimiser le pouvoir d’occupation de notre île.

Le pouvoir d’occupation mesure Pleinement conscient de l’ampleur des dégâts matériels et humains, mais il pense que les victimes ne sont pas des Français de souche et surtout que la plupart sont -selon leur narratif d’occupation- des clandestins. Nous, nous saluons la mobilisation générale du peuple comorien de la diaspora et des trois îles indépendantes et libres pour soutenir et venir en aide à leurs familles, frères et sœurs. Nous saluons également la société civile française, les associations d’aide françaises et surtout les médias qui ont sensibilisé sur la situation à Mayotte et sur l’abandon du pouvoir d’occupation.

Aujourd’hui les paroles prononcées en octobre 1974 par Giscard d’Estaing, ancien président de la république française, résonnent comme une prophétie : « Les Comores ont toujours été une unité. Il est naturel que leur sort soit un sort commun. »

Quels sentiments a-t-on face à cette destruction ?

Il n’y a pas que la destruction : les pertes humaines sont énormes. Un deuil national de sept jours ne suffit pas. Le gouvernement comorien aurait dû envoyer une délégation ministérielle et des équipes de secours sur place. Mais nos dirigeants politiques actuels ont totalement abandonné nos frères et sœurs de Mayotte au pouvoir d’occupation qui les considère comme de sous-hommes. Et on ose leur dire que c’est moins grave parce qu’ils sont Français. Non, c’est grave car ils se sentaient à l’abri et c’est la mort et la désolation qu’ils ont récoltées. Rien ne vaut l’indépendance et la dignité humaine. Là où on est, on doit se sentir digne, libre et égal aux autres sans aucun sous-entendu

N’est-il pas temps de poser au niveau international la question du retour de l’île comorienne de Mayotte au sein de l’Union des Comores ?

Nous vivons présentement un drame humain qui doit nous unir quelles que soient nos divergences politiques. Nous devons agir ensemble et soutenir nos frères et sœurs de l’île comorienne de Mayotte. La force brute colonialiste qui nous a séparés, qui continue à nous diviser et à nous monter les uns contre les autres a montré sa véritable face au monde et en particulier aux Comoriens de Mayotte. Il n’est pas nécessaire de brusquer les choses : le temps fera son travail de réconciliation du peuple. Nous ne devons pas désespérer ni baisser les bras sur la question de Mayotte, car le monde est avec nous – y compris des leaders politiques français. Mais, aujourd’hui nous sommes en deuil et nous devons nous occuper de nos morts, de nos blessés et de nos sinistrés.

Des États africains présentent leurs condoléances au gouvernement comorien pendant que le Maroc les présente au gouvernement français. Quelle lecture faites-vous sur le cas du roi Mohammed VI ?

Nous avons avec le Maroc une longue histoire, qui date de l’exil forcé de Mohamed V à Madagascar. Cette relation a été renforcée par le président Ahmed Abdallah Abdéremane et le roi Hassan II du Maroc. Ahmed Abdallah Abdéremane défendait le retour de Mayotte dans son giron national et le roi du Maroc, la reconnaissance du Sahara occidental comme sien. C’était une relation gagnant-gagnant, et, Ahmed Abdallah Abdéremane se considérant comme un descendant du roi Abdallah 1er, c’était une relation égalitaire entre rois. Mais le 12 novembre 1984 à Addis- Abeba l’organisation de l’unité africaine (OUA) prend une résolution intégrant la République du Sahara comme entité à part entière.

Le roi Hassan II quitte la salle, suivi par Ahmed Abdallah Abdéremane qui marque ainsi son soutien à la cause marocaine. Ce geste du président Ahmed Abdallah Abdéremane a renforcé nos relations de coopération avec le Maroc. Cette relation a été dénaturée par le régime d’Azali Assoumani qui l’a transformée en une relation de servitude et de mendicité. Le Maroc est l’un des pays puissants d’Afrique francophone, tant au niveau économique que diplomatique, et il a vu comment Azali Assoumani se comportait pendant sa présidence de l’Union africaine : un valet servile de la France.

Or la France vient de s’aligner sur la voie du Maroc – contre l’Algérie – en ce qui concerne la question du Sahara occidental. Il est donc compréhensible que le Maroc n’aille pas frustrer la France pour son occupation d’une partie de notre territoire national. Il ne faut pas rêver ni être naïf : les États n’ont ni amis ni alliances éternelles. Tout est une question d’intérêt et rien d’autre.

Votre dernier mot.

Le peuple comorien est durement frappé ces dernières années. Il meurt en mer en voulant fuir le pouvoir d’Azali Assoumani, et on laisse mourir comme des brebis ceux qui se sentaient protéger au sein d’un pouvoir d’occupation. Le peuple comorien est unique, comme l’a bien souligné sur une chaîne de radio-télévision française le secrétaire général du Parti communiste français, Fabien Roussel. Nous devons – nous les politiques – trouver un moyen pacifique de recouvrir notre souveraineté nationale. Le peuple comorien de Mayotte a compris le message du président français et le désintérêt du nouveau Premier ministre François Bayrou. Le temps des mots va plus vite que celui des actes, et le peuple comorien de Mayotte l’a compris peut-être à contrecœur. Le salut est à celui qui suit la bonne voie. 

Propos recueillis par KDBA

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