ALFAJR QUOTIDIEN – Journal d'information quotidien comorien

Salim Saadi : « L’intérêt général doit toujours primer sur les intérêts personnels »

Alors qu’il avait gardé le silence pendant une longue période, Salim Saadi, candidat malheureux aux dernières élections présidentielles est revenu sur sa rencontre avec le président Azali, l’affaire des investisseurs étrangers ainsi que l’opération d’expulsion des comoriens des autres Îles  à Mayotte. Pour cette rencontre avec le chef de l’État qui a fait débat, le président du parti Al-Qamar a saisi l’occasion pour répondre à ses détracteurs en leurs  rappelant que lorsqu’on est un démocrate, il faut privilégier le dialogue.

Vous avez été reçu par le chef de l’Etat à Beit salam, quel a été le but de cette rencontre ?

Tout d’abord, je vous remercie de l’occasion que vous me donnez pour m’adresser à mes compatriotes, et rassurer les uns et les autres de ma constance. Je suis conscient que ma rencontre avec le président Azali n’est pas du goût de tout le monde. Je sais qu’elle fait couler beaucoup d’encre et de salive dans le pays et à l’extérieur à travers la diaspora, ce que je peux comprendre. Nous avons pris la mauvaise habitude de penser que les adversaires politiques sont des ennemis et par conséquent ne doivent pas se parler. Ce n’est ni ma conception des relations humaines, ni mon approche politique. Lorsqu’on se dit démocrate, l’on doit avant tout privilégier le dialogue, y compris avec les adversaires politiques. Surtout lorsqu’il s’agit de parler du quotidien de nos compatriotes et de réfléchir à des solutions. Critiquer dans son coin ne suffit pas pour faire avancer les choses. Que peuvent faire par eux-mêmes des opposants, s’ils n’ont aucune marge de manœuvre ? Le pouvoir de décision est détenu par la majorité présidentielle, tout le monde le sait. L’opposition n’est pas représentée à l’Assemblée nationale. Le rapport de forces est d’autant plus faible, qu’elle nous exige d’être réaliste. La politique à l’aveuglette et l’opposition systématique ne changeront pas la vie de nos compatriotes. Pour l’intérêt général, il est donc important, lorsque nous le pouvons, de discuter avec le pouvoir. C’est dans cette optique, que j’ai rencontré le président de la République avec qui nous avons fait un tour d’horizon de l’actualité et évoqué nombre de sujets qui touchent la vie de nos concitoyens. Cette rencontre m’a permis de mettre sur la table des thématiques d’ordre social qui me tiennent à cœur, et d’écouter le président sur ces questions-là. J’espère que dans les prochains jours, nous aurons l’occasion de reparler de ces sujets et de ce que cela apportera aux Comoriens.

Vous avez annoncé votre retour sur la scène politique, pouvez-vous nous résumer les grandes lignes de votre projet ?

Il ne s’agit pas de décliner un projet en tant que tel, puisque nous ne sommes pas en campagne. Il s’agit, en tant qu’homme politique, leader d’un parti d’opposition, de contribuer au débat public, de poser les problèmes de fond et d’y apporter des solutions. Que les propositions ou les solutions viennent de la majorité présidentielle ou de l’opposition, ce n’est pas la question. La question, c’est comment améliorer les conditions de vie de nos concitoyens au-delà des clivages politiques. L’intérêt général doit toujours primer sur les intérêts personnels. Mon principal objectif reste le même, s’investir pour le bien-être des Comoriennes et des Comoriens. Notre pays a besoin de tous ses fils pour se construire et se développer. Nous avons beaucoup de défis à relever. Dans le secteur de la santé, de l’éducation, des infrastructures routières… Je pense aussi à l’accès à l’eau potable, à l’électricité, à la sécurité alimentaire et bien d’autres sujets. Le parti Al Qamar que je dirige, souhaite apporter sa pierre à l’édifice dans la construction de notre pays, en étant notamment force de proposition.

Êtes-vous candidat en 2024?

La vie des Comoriens est beaucoup plus importante que celle de Salim Saadi. Ne résumons pas les choses sur ma personne. L’élection présidentielle, c’est dans une année. Il me semble indécent et irresponsable d’en parler maintenant. En revanche, ce dont on peut parler aujourd’hui, ce sont les conditions de vie des Comoriens et réfléchir sur leur bien-être. Comme je l’évoquais plus haut, nous voulons être force de proposition. Ma rencontre avec le Chef de l’État s’inscrit dans ce cadre. De même, on ne peut parler d’élection sans poser certains préalables pour une élection libre, transparente et inclusive. Il faut régler un certain nombre de questions avant de parler véritablement des élections. Je pense par exemple à l’exclusion des Comoriens binationaux par la nouvelle loi électorale au concours à la magistrature suprême. Avec cette loi nous pouvons conclure que les comoriennes et les comoriens de la diaspora n’ont plus droit au chapitre. Je suis aussi en désaccord avec les dispositions de l’article du code électoral sur les parrainages. Voilà entre autres des questions qui méritent d’être évoquées et réglées avant de parler de l’élection présidentielle. Et cela passe aussi par le dialogue avec les autorités, étant donné que ce sont eux qui détiennent le pouvoir. Parler avec eux n’est pas synonyme de traîtrise comme l’annoncent certains. C’est du réalisme politique et de la responsabilité citoyenne.

Quel est votre mot sur la prochaine opération de nettoyage sur l’île comorienne de Mayotte par la France ?

Comme vous pouvez l’imaginer, je suis choqué par cette mesure inhumaine que je ne comprends absolument pas et par l’ampleur du dispositif mis en place par le gouvernement français, à travers son ministre de l’Intérieur Gérard Darmanin. Je suis surpris du silence de nos autorités face à ce drame qui a lieu juste avant le début du ramadan. Le rôle régalien de l’Etat doit garantir la protection de nos compatriotes par tous les moyens. Il est important que les dirigeants s’expriment et éclairent la lanterne des Comoriens sur cette question. Pour ma part, je m’oppose à l’expulsion de mes frères Comoriens installés sur l’île de Mayotte. Je considère qu’ils sont chez eux. Et c’est la position du parti Al Qamar.

Parlez-nous de vos actions et rencontres à l’échelle internationale.

Je pense que nous avons beaucoup de problèmes à régler dans notre pays, néanmoins occuper des responsabilités dans l’instance suprême du continent peut permettre l’accélération ou la concrétisation des projets qui nécessitent l’aval de l’UA. Pour le rayonnement des Comores c’est une bonne chose, je souhaite que cette mandature honore notre pays avec un bilan positif dans le continent et dans notre pays. En ce qui nous concerne, au parti Al Qamar, nous continuons de multiplier des rencontres avec des responsables politiques étrangers qui partagent notre vision. Malgré le climat des affaires qui laisse à désirer, je ne cesse également de rencontrer des potentiels investisseurs pour l’avenir de notre beau pays.

Parlons d’investisseurs justement, où en est-on avec les investisseurs dont vous avez parlé aux comoriens ?

J’ai plusieurs fois répondu à cette question, mais je constate qu’elle est toujours dans la bouche de plusieurs Comoriens, notamment sur les réseaux sociaux. En 2020, j’avais ramené ici, plusieurs investisseurs pour reprendre l’usine de pêche, mais le gouvernement n’a pas souhaité donner suite à ce dossier. Est-ce de ma faute ? Néanmoins, ces investisseurs y sont restés une semaine et nous avons visité ensemble une bonne partie du pays. Lorsque l’on comptabilise les frais de ce séjour, hébergement, repas, déplacement, location de véhicules, de bateaux, et d’un avion pour se déplacer sur les îles, son  coût global est de vingt-cinq mille dollars qui ont bénéficié à l’économie du pays. Ce n’est déjà pas rien. Combien de particuliers l’ont fait ? J’invite les personnes qui me critiquent de ramener, eux aussi, des investisseurs et de dépenser en une semaine vingt-cinq mille dollars, ce qui va contribuer à dynamiser notre économie. Écoutez, à un moment il faut être sérieux. J’ai la volonté d’accompagner le développement de mon pays. J’ai de très bons rapports avec des partenaires à l’étranger qui sont prêts à venir investir dans notre pays. Encore faut-il que le climat des affaires soit assaini et favorable à l’investissement. Et cela est une question de volonté politique. On en revient au dialogue avec le pouvoir. Il est important de convaincre nos autorités sur la nécessité d’améliorer le climat des affaires, ce qui est un gage pour l’arrivée des investisseurs. Il existe des opportunités pour développer le secteur privé aux Comores. Notre pays fait face à des problèmes de compétitivité et de diversification économique. Dès lors, l’amélioration du climat des affaires est une priorité. Si notre pays n’est pas attrayant, personne ne viendra investir chez nous. C’est un fait. Aujourd’hui, tout comme hier, je suis prêt à ramener des investisseurs dans mon pays, mais le reste ne dépend pas de moi. Et c’est cela que les Comoriens doivent comprendre.  

Propos recueillis par Nassuf. M. Abdou

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