Surnommé affectueusement « Campagnard », le colonel Mohamed Soilihi mise sur une stratégie de proximité avec les Comoriens pour tenter de battre le président Azali Assoumani à la présidentielle du 24 mars.
Mohamed Soilihi est bien entré en campagne le 13 janvier dernier pour la présidentielle du 24 mars. Une bataille de plus pour ce colonel qui a déjà su tenir tête aux mercenaires de Bob Denard lors du coup d’État de 1995. Ce n’est pourtant pas pour ses faits d’armes que cet officier réputé est surnommé « Campagnard » dans son pays, mais bien pour ses origines sociales. Il n’hésite d’ailleurs pas à les mettre en avant, à mesure que ce novice en politique voit sa cote monter auprès de la population. Jusqu’à bousculer les ambitions de son ancien compagnon Azali Assoumani, qui l’avait sèchement remercié de ses fonctions à la tête de la société nationale d’électricité début 2017.
Jeune Afrique : Pourquoi êtes-vous candidat à la présidentielle du 24 mars ?
Mohamed Soilihi : Face au désordre institutionnel installé par le pouvoir en place, les problèmes de gouvernance et de pauvreté qui s’accentuent et l’échec de la classe politique dans son ensemble, j’ai estimé qu’il était de mon devoir de me présenter.
Vous êtes crédité de bons scores jusqu’à présent. Pourquoi, selon vous ?
Parce que les Comoriens ne croient plus dans une classe politique qui, dans son ensemble, n’a jamais respecté ses promesses. Ils ont soif d’une vraie alternance, portée par une personnalité en qui ils peuvent avoir confiance.
Vous êtes peu connu du grand public, quelle est votre stratégie de campagne ?
J’ai choisi justement la proximité, le contact avec la population pour à la fois mieux connaître leurs attentes et leur présenter mes solutions. J’ai parcouru les trois îles [Grande Comore, Anjouan et Mohéli, ndlr] et j’ai même été en France rencontrer la diaspora. Je peux également m’appuyer sur de nombreux mouvements apolitiques locaux qui soutiennent ma candidature.
« Je ne suis pas un politique et je n’ai donc pas d’approche partisane. »
Pour défendre quel programme ?
D’abord la refonte de l’actuelle Constitution, très loin de renforcer l’unité du pays malgré ce qu’affirme une présidence qui concentre aujourd’hui tous les leviers du pouvoir entre ses mains. Il faut ensuite trouver une réponse durable à la question énergétique, sinon aucun développement économique ne sera possible. Je veux enfin veiller à la moralisation de la vie publique.
Quelles sont vos différences par rapport aux autres opposants ?
Je ne suis pas un politique et je n’ai donc pas d’approche partisane. Mon objectif, à travers cette candidature, est d’amener le peuple à être exigeant avec ses gouvernants, pour que ces derniers développent un sentiment de redevabilité en proposant des solutions pragmatiques, dans le respect des ressources publiques.
« Avec Azali Assoumani nous n’appliquons pas les mêmes méthodes et nous ne défendons plus dorénavant les mêmes valeurs. »
Pensez-vous disposer du soutien d’une partie de la hiérarchie militaire ?
L’armée est ma deuxième famille et comme dans toutes familles, les avis peuvent diverger. J’entretiens par exemple une longue relation avec Azali Assoumani, mais si nous portons les mêmes galons, nous n’appliquons pas les mêmes méthodes et nous ne défendons plus dorénavant les mêmes valeurs. Ce qui nous sépare est plus grand que ce qui nous unit.
Nous constatons ces derniers mois un très net recul des libertés individuelles. Le pays redécouvre des termes oubliés comme ceux de « prisonniers politiques ».
Redoutez-vous des débordements durant ces élections ?
Seulement si le parti présidentiel refuse de jouer le jeu démocratique et tente de faire pression sur les institutions électorales.
Ne craignez-vous pas, avec 12 opposants, de renforcer les chances d’une réélection du président sortant dès le premier tour ?
Avec 13 listes il est mathématiquement impossible qu’un seul candidat puisse passer au premier tour. Et avec sa cote de popularité en baisse, le candidat-président pourrait bien ne pas en faire partie du tout.
Source : Jeune Afrique