ALFAJR QUOTIDIEN – Journal d'information quotidien comorien

Dialogue national : « Entre doute et sincérité »

Alors que le chef de l’Etat n’a toujours pas gracié les prisonniers politiques pour un climat d’apaisement, le citoyen comorien mis à l’écart, l’idée de vouloir instaurer un « dialogue national » afin de mettre un terme au conflit est loin d’être un canal des solutions. Les comoriens sont « entre doute et sincérité » dans la mesure où les vraies bases d’un dialogue franc et inclusif reposent sur le rapprochement de toutes les parties prenantes : opposition, gouvernement et société civile pour un objectif bien défini. Commentaire.

La tentative du président Azali Assoumani d’instaurer un dialogue national aux Comores est-elle une chance de mettre fin au conflit né au lendemain des élections anticipées de 2019 ? Une problématique qui reste jusqu’alors sans réponse. La crise post-électorale a déraillé le pays sur la voie de la démocratie et a basculé sur une autre forme plus dangereuse : liberté d’expression muselée et mesure drastique contre toute manifestation même pacifique. Plus d’une trentaine de prisonniers politiques, parmi lesquels figurent des anciens chefs d’Etat, des cadres de l’opposition et des citoyens lambda périssent dans les geôles du grand maître pendant que d’autres sont en résidence surveillée. Un grand nombre des politiciens se trouvent en exil. Les pro-dialogues nationaux ignorent peut-être ce constat. En ce rendez-vous encore historique, le citoyen comorien voit son implication oubliée pendant que son rôle en tant que médiateur indépendant est primordial. Et les débats s’intensifient, entre ceux qui sont confiants pour ce grand rendez-vous et les citoyens qui restent méfiants.

Le dialogue devait dégager des pistes de solution sur la vie sociopolitique du pays et son destin. Le citoyen lambda, victime de la politique politicienne, reste vigilant. Il connaît déjà la mélodie et la danse. Il n’est pas bête au point qu’il ne se souvient toujours pas des derniers évènements, notamment la conférence des bailleurs de fonds à Paris qui n’a rien donnée comme résultat et les assises nationales traduites à un coup d’épée dans l’eau. La société civile est consciente des enjeux et compte établir ses préalables mais le président de la République règne en maître, lui-même les a déjà fixées : prochaines échéances électorales de 2024 sans tenir compte de la vie des comoriens de tous les jours. Dans une analyse un peu croisée, le président de la République n’a pas le droit à l’erreur. Il devait avoir une oreille attentive sur toutes les parties prenantes pour éviter le fiasco.

La vie quotidienne de chaque comorien grimpe tous les jours : jeunes diplômés sans emploi se jettent dans les mers de Mayotte et la méditerranéenne pour espérer une vie meilleure, hausse des prix des denrées alimentaires, hausse des tarifs douaniers pour toutes marchandises importées et hausse des prix de data. Ce qui signifie que ce dialogue devait jeter les bases solides d’une politique stable afin de dégager des vraies pistes de solution.

L’opposition et la société civile absentes pendant que le pouvoir rassure en effet que « seule la volonté affirmée des uns et des autres permettra de sortir le pays de cette situation ». Le paradoxe, une chanson que bon nombre des comoriens l’ont déjà entendue dans les assises nationales puis dans les grands meetings du pouvoir en mars 2019. Le pouvoir continue à faire rêver et plonger les comoriens dans l’utopie : l’émergence. Sachant que les pays émergents comme le Rwanda de Paul Kagamé, le premier combat mené est de faire table rase, réconcilier la classe politique Rwandaise déchirée par la guerre civile de 1994 et mettre à terme les conflits entre les tribus. Dans notre analyse, les conditions propices pour un dialogue national ne sont pas réunies. Le climat politique et social n’augure rien « de l’esprit inclusif, encore moins sincère concernant ce dialogue », car il y a bien un côté sombre de cette messe nationale dont le citoyen comorien est « entre doute et sincérité ».

Kamal Said Abdou

 

 

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