Après deux ans de silence, Ibrahim Mohamed Soulé, ancien député du parti Juwa, a indiqué que le dialogue national n’est qu’un groupe des personnes ayant établi un programme pour aller le présenter aux autres. Devant la presse hier à Moroni, l’ancien parlementaire a manifesté son inquiétude vis-à-vis du dialogue.
Deux ans de silence, pouvez-vous nous expliquer les raisons ?
Evidemment, il y a à peine deux ans, je n’ai pas fait une déclaration. Mais comment je peux m’exprimer dans un climat où la liberté d’expression n’est pas totalement respectée, malgré qu’elle ait été mentionnée dans notre constitution. Comment je peux m’exprimer dans la mesure où les dispositions répressives en cas d’outrage ou autres infractions sont renforcées dans le nouveau code pénal. Comment je peux m’exprimer dans un pays où on peut être condamné au-delà du délai légal. Comment je peux m’exprimer dans la mesure où une norme internationale, notamment le principe de la présomption légale d’innocence n’est pas respectée. Notre pays actuellement ce qui domine c’est la présomption légale de culpabilité ou celle-ci n’existe nulle part que dans la législation Douanière. En droit douanier, le coupable est désigné par la loi. Le coupable est chargé de fournir les preuves prouvant son innocence pendant que la législation civile, c’est le juge qui doit fournir les preuves justifiant la culpabilité de la personne d’une part et d’autre part, il doit aussi être en quête pour réunir les preuves montrant l’innocence de la personne. Aujourd’hui, on voit un type comme Abdallah Agwa condamné à 5 ans pour avoir l’intention d’organiser une manifestation.
Le chef de l’Etat a fait appel à un dialogue national dont lui-même a défini les préalables, quelle est votre analyse ?
Pour être claire à ce sujet, je ne sais pas combien de responsables du gouvernement sont venus chez moi pour solliciter ma participation dans le dialogue national en tant qu’expert et ancien parlementaire. J’ai refusé pour la seule raison que je suis membre d’un parti politique. Je leur dis que j’attends la décision du parti, c’est la première chose. Deuxièmement, une telle assise doit réunir les parties prenantes : gouvernement, opposition et société civile. Je n’ai pas entendu que les syndicats ont pris part. Aucun parti politique parmi les grands partis politiques de l’opposition n’est présent. Les grandes figures de l’opposition sont tous en prison à commencer par l’ancien président Sambi, Ikililou, l’ancien ministre des finances Mohamed Ali Soilih et le gouverneur Salami. Comment un dialogue censé désamorcer la crise pourrait se tenir dans ces conditions. La moindre des choses avant le dialogue est la libération ou la tenue de leurs procès. Moi, je n’ai pas vu les conditions d’un dialogue entre deux personnes mais plutôt un groupe de personnes ayant établi un programme pour aller le présenter aux autres. Vous pouvez constater aussi que les questions relatives à la liberté d’expression, la vie chère et autres ne sont pas prévues. Ces collaborations du régime m’ont dit qu’ils sont prêts à discuter sur la révision constitutionnelle et les élections de 2024. Sur quelle constitution on va discuter ? Celle de 2001, 2009 ou encore celle de 2018 ? Supposons que la constitution de 2018 est celle qui va être révisée mais sous quelle base ? Sachant qu’après le vote de la nouvelle constitution, celle-ci doit être promulguée par le président de la République. Aucun décret du président de la République n’a promulgué cette nouvelle constitution. Cette dernière ne figure nulle part dans le journal officiel. Pire encore, le délai de 12 mois pour les lois organiques et statutaires n’a jusqu’alors complété cette constitution. Bref, elle est caduque.
Une représentante de l’Ua a rendu visite à l’ancien président Sambi dans sa résidence, comment expliquer cette visite ?
Ce que je sais jusqu’alors, il y a beaucoup d’anomalies au niveau de l’Union Africaine. Rappelons qu’il y a eu plusieurs échéances électorales en 2019 dont l’Union Africaine dans son rapport a constaté plusieurs irrégularités. Malgré cela, elle a validé ces élections. La preuve en est qu’elle a pris part à l’investiture. Aucune sanction n’a été prise par l’Ua. En tout cas, j’ai eu contact avec l’un des responsables de cette organisation panafricaine, il m’a dit que l’Ua est très préoccupée de l’emprisonnement des leaders de l’opposition comorien.
Propos recueillis par Kamal Saïd Abdou